<186>vénération et avec une espèce de culte religieux, comme si Minerve même l'eût exécuté.

V. A. R. se moquera de moi quand elle saura que je me prépare à traîner ma vieille figure au carnaval de Berlin. Mon plaisir consistera à me rappeler les endroits où j'ai joui de la vue béatifique d'une certaine grande princesse, où je me rappellerai tout ce que j'ai eu le bonheur de lui entendre dire, les charmes de sa voix, de sa méthode, de son chant, et où je finirai par faire la triste réflexion que le bonheur de ma vie n'a duré qu'un moment. A cette heure, je n'en embrasse que l'ombre; je crois parler à V. A. R. en lui écrivant, et cependant je me souviens fort à propos qu'il n'y a rien de plus indiscret, ni rien de plus impertinent que d'ennuyer ceux que nous respectons. Cette réflexion, madame, me réduit au silence, et m'oblige de me renfermer dans les assurances de la haute considération et de l'estime infinie avec laquelle je ne cesserai d'être, etc.

122. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 2 janvier 1770.



Sire,

C'était bien assez du puissant attrait qui me porte à répondre avec empressement aux lettres que V. M. me fait l'honneur de m'écrire, sans qu'on vînt encore m'en demander pour elle. Cependant, depuis que j'ai été à Potsdam (oh! que n'y suis-je encore!) comblée de bontés et d'attentions qui me confondaient, on ne part plus sans vouloir emporter une lettre de ma part; on croit que je vaux quelque chose, que le grand Frédéric ne m'eût pas tant marqué d'estime, et qu'il ne porterait pas de moi un jugement si flatteur, si je ne le méritais par quelque endroit. C'est votre gloire, Sire, qui rejaillit sur moi; et j'emprunte proprement ma lumière de l'astre qui éclaire l'univers, en qualité de votre humble satellite.