<237>prendre de plus agréable que celui que je vais faire; et j'avoue encore que la statue de Marc-Aurèle sera plus intéressante à voir que la gothique effigie de Charlemagne. Mais ces Romains, qui ne se disaient pas magnes, et que nous n'en appelons pas moins grands, vu qu'en effet ils l'étaient, avaient-ils les mêmes obstacles à surmonter que les héros de nos jours? Je me figure que la plupart de leurs antagonistes étaient un peu moins redoutables que les Turcs ne le sont aujourd'hui, et je connais un mortel à qui tous les demi-dieux de l'antiquité n'oseraient se comparer. Que ce mortel sublime jouisse longtemps de la paix qui va revenir par ses soins; son bonheur fera toujours le mien, comme il doit faire celui de l'univers. Que ne vous devra-t-il pas, Sire, cet univers qui allait s'embraser de nouveau! C'est bien assez qu'il se consume à petit feu, sans qu'il soit besoin d'un incendie général pour le perdre. Mais si ce monde vous doit bien de la reconnaissance, il devrait aussi se trouver un peu étonné de voir coopérer à cette paix des mains qui étaient les plus assurées de cueillir les lauriers de la guerre. Cependant on ne s'en étonnera pas : V. M. rend tout croyable quand il s'agit de ses vertus.
La douleur de la reine de Suède ne tiendra pas toujours contre la satisfaction de voir et d'admirer de près un tel frère. Elle oubliera qu'il existe quelque chose hors de V. M. qui soit digne de l'attacher. Un sentiment semblable me pénétrait pendant les jours heureux que j'ai passés à Potsdam. Ce sentiment, moins autorisé par V. M. que l'attachement d'une sœur chérie, n'en est pas moins profondément gravé dans mon âme; et, quelque part que j'aille, la plus chère et la plus respectable de mes occupations sera toujours d'admirer le plus grand des hommes, de me rappeler à son souvenir, et de le convaincre, si je puis, de l'étendue de l'hommage que je lui rends, ainsi que de la haute estime avec laquelle je suis, etc.