<242>ouvrir les portes du paradis tout aussi bien qu'avec les siennes. Tout ceci, madame, n'abrége pas les négociations. Le pape n'est plus, de nos jours, que le premier aumônier des rois; jadis il était leur maître. Les heureux temps de l'aveuglement se sont écoulés; les aveugles commencent à voir, et les brouillards des erreurs se dissipent. Ce bon Ganganelli n'a pas eu le bonheur de naître à propos; il peut dire, comme le cardinal Valenti,a qu'on félicitait d'avoir fait un traité avantageux au saint-siége : Ah! monsieur, félicitez-nous des pertes que nous ne faisons pas; mais pour des avantages, le temps en est passé.
J'écris tout ceci hardiment à V. A. R., parce que je la sais hors des terres de l'Église; j'aurais été trop circonspect pour lui en dire autant pendant son séjour de Rome, où mon hérétique bavardage aurait pu lui susciter des embarras. Je fais mille vœux pour que la fin du voyage de V. A. R. soit aussi heureuse que sa course l'a été jusqu'à présent. Je la remercie infiniment qu'elle daigne se souvenir d'une famille qui lui est dévouée, et qui est composée de ses admirateurs. Je prie V. A. R. de me compter pour tel à la tête de tous les autres, car je ne le cède à personne quand il s'agit des sentiments de considération et de la haute estime avec laquelle je suis, etc.
161. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIEDE SAXE.
Schleisheim, 30 juillet 1772.
Sire,
J'ai terminé ma course; je revois les foyers de mes pères. Quoique je sorte du plus beau climat de l'Europe, je n'en suis pas moins tentée de dire avec ce cardinal qui faisait de jolis vers, avant que de faire le ministre et le négociateur :
a Silvio Valenti Gonzaga, né à Mantoue en 1690, mort à Viterbe en 1756, avait été élevé au cardinalat par Clément XII le 19 décembre 1738.