<247>V. A. R. a le coloris d'Apelles et la brillante imagination de Virgile; avec ces talents, il ne faut pas s'étonner que le plomb en ses mains se convertisse en or.b Si l'on pouvait trouver quelque chose à redire au tableau de V. A. R., c'est qu'on n'y reconnaît pas trop les originaux qu'elle daigne représenter. Je me trouve cependant très-heureux d'avoir été l'objet de sa touche; car, madame, vos mains sont faites pour distribuer l'immortalité, et une lettre comme beaucoup de celles qu'elle a daigné m'écrire me donnerait un mérite, dans les âges futurs, que je n'aurais jamais obtenu par moi-même. Mais V. A. R. a le premier droit à ce temple de l'immortalité où elle daigne assigner des places; l'heureux génie et tant de talents qu'elle a su réunir en sa personne l'en ont érigée la divinité. Mériter vos bontés est un avantage inestimable, et préférable à l'immortalité même; c'est, madame, où aspirent mes vœux, et à quoi j'ai quelque droit de prétendre par l'entier dévouement que j'ai pour votre auguste personne.
V. A. R., qui daigne prendre part à ce qui touche ma famille, voudra bien que je lui rende compte des noces que nous célébrerons, ce carnaval, du landgrave de Hesse et de ma nièce la princesse Philippine de Schwedt. Je n'aurais pas deviné, il y a quelques années, qu'ils étaient destinés les uns pour les autres; ce sont de ces jeux du sort qu'on ne saurait prévoir, et dont il faut souhaiter que les suites soient heureuses.
Il est arrivé ici, ces jours passés, un homme qui joue d'un instrument qu'on appelle harmonica; ce sont des cylindres de verre qui rendent un son très-harmonieux et très-touchant. Il était accompagné d'une jeune fille qui exécutait sur le violon des difficultés capables d'embarrasser Tartini.a Mais j'ai honte d'entretenir V. A. R. de ces misères, maintenant qu'elle se trouve au sein de sa famille paternelle, et qu'elle peut jouir à longs traits du charme inexprimable de sa patrie. Mes lettres sont bonnes pour être lues dans des moments d'ennui, et non pas dans ceux de la jouissance. Je cède aux droits que la maison de Bavière a, madame, sur votre personne, et je me renferme à
b Voyez t. XVI, p. 278, et t. XXI, p. 48 et 68.
a Voyez t. XII, p. 233.