<285>

193. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 1er janvier 1776.



Sire,

De toutes les agréables lettres dont Votre Majesté m'honore, aucune ne m'a été plus précieuse que celle par laquelle vous avez bien voulu me rassurer sur l'état de votre santé.b Il me restait néanmoins des inquiétudes que l'appréhension publique semblait justifier. Votre bien-être, Sire, est attaché par tant de liens à celui de l'Europe, c'est un centre auquel aboutissent tant de rayons de la félicité publique, que, dès que ce centre a reçu la plus légère atteinte, le frémissement se communique à l'univers. Il n'était nulle part davantage que dans mon cœur; mais votre ministre me rassure. Ce qui nous alarmait n'était que cette malheureuse goutte qui déjà m'a causé tant d'inquiétude. Puisse-t-elle ne vous avoir attaqué si vivement cette fois que pour ne plus revenir! Elle me coûte assez cher, puisque, en me faisant trembler pour Frédéric, elle m'a encore privée du bonheur sublime de le revoir, bonheur que, sans elle, j'aurais pu espérer. Recevez, Sire, mes remercîments de me l'avoir destiné; c'est un si grand bien, que cette destination aurait de quoi flatter mon ambition, s'il ne s'agissait ici d'un sentiment bien plus intime. Au lieu d'un voyage si brillant, je vais m'acheminer modestement vers Deux-Ponts, où l'on m'a invitée, pour assister ma fille à sa délivrance prochaine. Je compte partir le 3, et revenir ici le plus tôt que je pourrai me dégager. On m'y désire beaucoup, et il est si doux d'être au milieu du cercle des siens et plus près de Frédéric! Mais de près ou de loin, Sire, les vœux pour laa prompte convalescence de V. M. seront toujours les vœux les plus chers de mon âme. Puissent-ils être accomplis!

Je suis avec la plus haute estime et avec une admiration qui ne finira qu'avec mes jours, etc.


b Cette lettre est perdue.

a Les mots pour la sont omis dans l'autographe.