<307>permanente; il ne détruira donc pas par caprice ce qu'il avait jugé bon d'établir et de perfectionner.
Pardonnez-moi, de grâce, madame; je sens que je m'égare encore, et que j'écris à V. A. R. du style dont les philosophes pérorent sur les bancs de l'école. Que votre indulgence rejette ce bavardage sur l'infirmité de mon âge, qui commence à me faire radoter. Mais sur quoi ce radotage n'aura jamais de prise, c'est sur les sentiments d'admiration et de la haute considération avec laquelle je suis, etc.
209. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Dresde, 1er décembre 1777.
Sire,
J'ai reçu l'inimitable lettre du roi philosophe qui sait se couvrir de toute espèce de gloire, et qui sait mieux, il sait l'apprécier. Eh! qui désormais pourra croire à l'immortalité de son nom, si Frédéric ne croit pas à la durée infinie du sien? Rien de plus vrai que ce que V. M. observe sur les révolutions qui enveloppent jusqu'à la mémoire des grands hommes. C'est, comme toujours dans vos lettres, la matière d'un volume renfermée en une demi-page. Mon esprit n'a pu se refuser à l'évidence, mais mon cœur combat encore; je ne puis me persuader, Sire, qu'il y aurait un temps où votre nom ne vivrait plus. Je conviens que tel sera le sort de tous ceux qui ont travaillé, comme vous le dites, pour le plaisir seul de faire parler d'eux; mais les bienfaiteurs de l'humanité, qui ont changé l'esprit de leurs siècles, créé et perfectionné les États, doivent-ils s'attendre à être perdus de même dans la nuit des temps? Non, sans doute; et quand ils le devraient, est-il bon de persuader aux hommes cette affligeante vérité? Où sont les âmes fortes qui se porteraient encore aux plus grandes et aux plus difficiles entreprises, lors même qu'ils ne se tiendraient pas assurés que la mémoire dût en rester parmi les