<308>hommes? J'en connais peu, Sire, de cette trempe, et la vôtre n'est point faite pour servir d'exemple, lorsqu'il s'agit de fixer des règles pour la généralité des hommes. L'illusion les conduit les trois quarts du temps; souvent elle leur est nécessaire. Craignons de les en priver; contentons-nous de leur répéter les grandes vérités qui peuvent leur être utiles, celle, par exemple, par laquelle V. M. finit son admirable lettre, l'assurance d'être dans la main de l'Éternel, dont la volonté permanente ne peut détruire son ouvrage, et doit, au contraire, tendre sans cesse à le perfectionner. Socrate n'enseigna point de dogme plus sublime, ni plus essentiel au repos des hommes et au progrès de la vertu. Socrate! Il ne s'attendait pas, sans doute, il y a deux ou trois mille ans, à figurer dans mes lettres. Mais, Sire, on s'élève en lisant les vôtres, et ce feu du génie éclaire et réchauffe ceux même qui ne font que l'approcher.
J'ai revu, après plusieurs années d'éloignement, mon beau-frère le prince Albert, et je me suis livrée pendant quelques heures à toute l'effusion de l'amitié. C'est encore un des soutiens de la vie. Il est bien doux, Sire, et bien glorieux d'oser aspirer à la vôtre et mériter au moins votre indulgence, si c'est la mériter que de se sentir pénétré plus que personne de la haute considération et de l'admiration infinie avec laquelle je ne cesserai d'être, etc.
210. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Le 6 décembre 1777.
Madame ma sœur,
Si j'avais l'indiscrétion de montrer les lettres que je reçois et que je réponds à V. A. R., on croirait que je suis en correspondance avec un savant professeur de philosophie pour m'instruire et pour m'éclairer; et il se trouve que j'écris à une grande princesse qui fait le plus bel ornement d'une cour brillante. Il n'y a