<457>qu'il fasse imprimer sa confession de foi, à laquelle personne n'ajoute foi, et qu'il souille la mâle parure de la philosophie par les accoutrements de l'hypocrisie dont il s'affuble. Pour moi, il ne m'écrit plus; il ne me pardonnera jamais d'avoir été ami de Maupertuis; c'est un crime irrémissible. On dit qu'il s'est brouillé avec son évêque, que celui-là s'est plaint en cour, et que le Très-Chrétien a prononcé contre Voltaire, que la peur a glacé le pauvre philosophe, et qu'il s'est prêté à ces momeries de pâques et de l'autel, pour ne pas pousser à bout la patience des puissants, dont il n'a pas mal abusé. Cet homme aurait eu trop d'avantages sur ses contemporains, s'ils n'étaient pas rachetés par quelques faiblesses; il est haineux comme le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; il punirait jusqu'au quatrième degré la génération des Desfontaines, des Rousseau, des Fréron, des Pompignan, etc. Cela n'est pas dans le goût de l'Académie ni du Portique, car vous autres philosophes,
Calmes au haut des cieux que Newton s'est soumis,
Vous êtes sourds aux cris d'impuissants ennemis;
Un généreux mépris convertit en louange
La voix qui contre vous croasse dans la fange.a
C'est ce qui doit arriver à tous ceux qui savent dédaigner de ridicules accusations; car qui croira, sur la parole du gazetier du Bas-Rhin, qu'on tue un académicien octogénaire en le contrariant ou en le persiflant? Ce genre de mort a été ignoré jusqu'à nos jours, et le sera éternellement. Les calomnies fines sont dangereuses; mais, en vérité, les platitudes n'attirent que du mépris.
Notre géomètre berlinoisb se porte à merveille; il vit plus dans la planète de Vénus que sur ce petit globe terraqué. Le peuple, qui a peut-être entendu parler de Vénus et de son passage par le disque du soleil, a été pendant deux nuits de suite sur pied pour observer ce phénomène; cela vous fera rire aux dépens de mes bons compatriotes, mais ils n'y entendent pas plus de finesse.
a Ces vers sont une variation de deux vers de l'Épître LIV de Voltaire, A madame du Châtelet. Voyez ses Œuvres, édit. Beuchot, t. XIII, p. 124. Quant aux mots croasse dans la fange, voyez notre t. X, p. 12; t. XVIII, p. 22 et 109; et t. XXI, p. 36.
b M. de la Grange.