<471>du tout aucun culte. La nation qui paraît la moins imbue de superstition est sans contredit la chinoise. Mais si les grands suivirent la doctrine de Confucius, le peuple ne parut pas s'en accommoder; il reçut à bras ouverts les bonzes, qui le nourrirent d'impostures, aliment propre à la populace et adapté à sa grossièreté. Ces preuves que je viens d'alléguer sont prises des exemples que nous fournit l'histoire; il en est encore d'autres qui me paraissent plus fortes, prises de la condition des hommes et de l'empêchement qu'un ouvrage journalier et nécessaire met à ce que la multitude des habitants puisse être éclairée pour se mettre au-dessus des préjugés de l'éducation. Prenons une monarchie quelconque; convenons qu'elle contient dix millions d'habitants; sur ces dix millions, décomptons d'abord les laboureurs, les manufacturiers, les artisans, les soldats; il restera à peu près cinquante mille personnes, tant hommes que femmes; de celles-là, décomptons vingt-cinq mille pour le sexe féminin; le reste composera la noblesse et la bonne bourgeoisie; de ceux-là, examinons combien il y aura d'esprits inappliqués, combien d'imbéciles, combien d'âmes pusillanimes, combien de débauchés : et de ce calcul il résultera à peu près que, sur ce qu'on appelle une nation civilisée contenant environ dix millions d'habitants, à peine trouverez-vous mille personnes lettrées, et entre celles-là encore quelle différence pour le génie! Supposez donc qu'il fût possible que ces mille philosophes fussent tous du même sentiment, et aussi dégagés de préjugés les uns que les autres; quels effets produiront leurs leçons sur le public? Si huit dixièmes de la nation, occupés pour vivre, ne lisent point; si un autre dixième encore ne s'applique pas par frivolité, par débauche ou par ineptie, il résulte de là que le peu de bon sens dont notre es-