<496>premier intérêt est d'être vertueux et justes, ainsi que V. M. l'a si bien prouvé dans son excellent écrit sur ce sujet. Sur la religion chrétienne, je serai, Sire, bien aisément d'accord avec V. M.; sa morale est sans doute excellente, et elle aurait dû s'y borner; mais ses dogmes et son intolérance font grand tort à cette morale, avec laquelle ils sont comme amalgamés. Je dis son intolérance, car elle me paraît essentielle à une religion exclusive de toutes les autres, comme la religion chrétienne, qui prétend être la seule manière d'honorer la Divinité, et qui, par une conséquence nécessaire, doit chercher à s'établir par tous les moyens possibles, même en employant la violence, quand elle a le pouvoir et la force en main. Voilà pourquoi la religion chrétienne a fait couler des flots de sang; et je ne puis m'empêcher de la regarder à cet égard comme un des plus grands fléaux de l'humanité.
Je ne dirai, Sire, qu'un mot sur les gouvernements. Je pense que la forme du gouvernement est indifférente en elle-même, pourvu que le gouvernement soit juste, que tous les citoyens aient également droit à sa protection, qu'ils soient également soumis aux lois, et également punis s'ils les violent, que les supplices ne soient pas réservés pour les petits coupables, et les honneurs pour les grands. Quant à Louis XIV, ce serait la matière d'une grande discussion de savoir s'il a fait plus de bien que de mal à son royaume; s'il n'a pas été un fléau pour l'Europe en donnant aux autres princes l'exemple de ces armées nombreuses que les plus sages sont aujourd'hui forcés d'entretenir, et qu'ils emploieraient sûrement plus volontiers aux manufactures et à la culture des terres, si une malheureuse nécessité ne leur liait pas les mains à ce sujet. Je suis bien persuadé que V. M. ne m'en désavouera pas. Je suis, etc.