<500>sonne ce que je dois à V. M.; c'est une bien faible manière de m'acquitter envers elle, mais c'est la seule qui me soit permise. J'userai néanmoins de ses bienfaits avec réserve, et si je borne ma course au Languedoc et à la Provence, comme plusieurs personnes me le conseillent, je lui demanderai la permission de ne prendre sur la somme qu'elle me destine que ce qui me sera nécessaire pour ce voyage, qu'on m'assure devoir produire le même effet, sans être aussi fatigant à beaucoup près, et aussi incommode par les mauvais chemins et les mauvais gîtes. Je ne pourrai prendre sur cet objet un parti décisif que quand j'aurai été jusqu'à Genève et à Lyon, et quand j'aurai éprouvé l'effet d'une course de cent cinquante lieues en poste sur ma pauvre tête. Je demande à V. M. la permission de lui écrire dans mon voyage. Comme je ne compte faire nulle part de longs séjours, je n'ose espérer de recevoir directement des nouvelles de V. M.; mais les nouvelles publiques et la renommée m'en apprendront.
Je suis avec le plus profond respect et la plus tendre reconnaissance, etc.
85. A D'ALEMBERT.
26 septembre 1770.
Je ne m'attendais certainement pas à ce que la lettre d'un Tudesque fût lue en pleine Académie française. L'abbé d'Olivet y aurait déterré plus d'un solécisme; mais par bonheur pour l'auteur de la lettre, l'abbé d'Olivet était trépassé quand elle parut. Je vous pardonne de l'avoir montrée, parce qu'elle contient quelques vérités qui sont bonnes à dire comme à entendre. Sans doute qu'il faut distinguer les talents, surtout quand ils sont rassemblés en un degré éminent. Les belles âmes ne travaillent que pour la gloire; il est dur de la leur faire espérer, et de ne les en jamais mettre en possession. Les chagrins attachés à toutes les conditions humaines ne peuvent être adoucis que par ce baume,