<60>Voilà ce que dit l'Impératrice. Voilà deux princes de Saxe qui se sont remis cette couronne. Si elle passe au troisième, l'élection ne devient qu'une cérémonie superflue, et l'hérédité s'établit. Polonais, je vous ouvre les yeux, lorsque des objets séduisants allaient les éblouir et les fasciner. Est-ce que l'ancienne, la noble nation des Sarmates ne fournit plus de rejetons dignes d'occuper ce trône que les Sobieski ont rempli avec tant de splendeur? Faudra-t-il que l'Europe dise que dans tout votre vaste empire il ne se trouve aucun citoyen capable d'être placé à la tête de votre nation, et que votre indigence et la stérilité de mérite et de grandes qualités chez vos concitoyens vous oblige d'avoir recours à des vertus étrangères? Les princes de Saxe vous ont gouvernés; je veux que vous soyez contents de leur gouvernement : mais souvenez-vous qu'à Sparte, qu'à Athènes, le ban de l'ostracisme était établi pour écarter des mérites trop éminents de ces républiques, parce que ces peuples étaient plus attachés à leur liberté qu'à l'espèce de lustre que répandait sur leur nation la gloire des grands hommes qu'elle portait. Voilà comme agit, comme parle cette impératrice, qui n'a rien tant à cœur que le maintien de votre liberté, de vos constitutions, et de votre tranquillité.
Vous êtes obéie, madame, j'ai fait mon plaidoyer; du moins n'est-ce qu'un abrégé des déclarations de la cour de Pétersbourg. Après cela, madame, je vous avoue que je vois moins jour que jamais aux desseins que le prince Xavier peut former. S'il s'agit de gagner des voix à force d'argent, il est certain que la lutte entre l'impératrice de Russie et lui est tout à fait inégale. S'il s'agit de guerroyer, qu'opposera-t-il à quatre-vingt mille Russes postés sur la frontière de Pologne? S'il s'agit de plaider, quel tribunal décidera de cette question? Pour moi, madame, sorti d'une guerre vive et dure, il m'est impossible de m'exposer à de nouveaux hasards pour une cause qui m'est tout à fait étrangère. L'impératrice de Russie ne se désistera pas de l'élection d'un Piaste; il me conviendrait d'autant moins de m'y opposer, que cette princesse m'a offert son alliance,a que je me trouve sans alliés, et que, pour la sûreté des pays dont le gouvernement m'est
a Voyez t. VI, p. 12 et 13.