<602>Ce malheur, Sire, ne sera pas grand, tant qu'il plaira à l'Être suprême, qui a jusqu'ici conservé la philosophie au milieu de tant de brigands, de conserver V. M., dont le nom, la gloire, les arguments, les vers, sont si nécessaires à la bonne cause. Je ne sais si les commis des bureaux ouvrent les lettres; j'ai peine à croire qu'on exerce nulle part cette tyrannie contre la foi publique; mais, supposé qu'ils aient pris copie des deux Épîtres de V. M., et qu'ils en fassent part au grand aumônier, je doute que ce discret flamen les fasse courir, à Versailles, parmi les dévotes de la cour. Quant à moi, Sire, je n'en ferai part qu'à quelques élus, qui diront en les lisant : Vive notre chef, notre protecteur et notre modèle! Je porte d'avance aux pieds de V. M. tous les vœux qu'ils feront pour sa précieuse conservation, et j'y joindrai tous les miens, avec la tendre vénération que vos bontés ont mise depuis si longtemps dans mon cœur. C'est avec ce sentiment que je serai toute ma vie, etc.
129. DU MÊME.
Paris, 17 mai 1773.
Sire,
M. de Guibert, colonel commandant de la légion corse, qui aura l'honneur de présenter cette lettre à V. M.,a est l'auteur de l'Essai de tactique que j'ai pris la liberté, moi philosophe indigne, d'envoyer de sa part l'année dernière à l'illustre fondateur de la tactique moderne, et que ce grand maître m'a paru honorer de son suffrage. L'auteur, après avoir mis cette production militaire aux pieds du héros de notre siècle, a désiré, Sire, de venir mettre sa personne même aux pieds du plus grand prince de l'Europe, d'être le spectateur des qualités sublimes de Frédéric le Grand, et de pouvoir dire : Je l'ai vu. J'ose assurer V. M. que M. de Gui-
a Voyez, dans le troisième Appendice, à la fin de cette correspondance, la lettre du comte de Guibert à Frédéric, du 14 juin 1773.