<615>Pétersbourg, où elle a marié sa fille; elle ne tarit point sur les louanges de l'Impératrice, ni sur toutes les belles fondations que cette princesse a faites dans ce pays. Voilà ce que c'est que de voyager. Pour nous, qui vivons comme des rats de cave, les nouvelles ne nous viennent que de bouche en bouche, et le sens de l'ouïe ne vaut pas celui des yeux. Je fais, en attendant, des vœux pour le sage Anaxagoras, et je dis à Uranie : C'est à toi de soutenir ton premier apôtre, pour maintenir une lumière sans laquelle un grand royaume tomberait dans les ténèbres; et je dis au grand Démiourgos : Conserve toujours le bon d'Alembert dans ta sainte et digne garde.
135. AU MÊME.
Le 7 janvier 1774.
Vous pouvez être sans appréhension pour ma personne; je n'ai rien à craindre des jésuites. Le cordelier Ganganelli leur a rogné les griffes; il vient de leur arracher les dents mâchelières, et les a mis dans un état où ils ne peuvent ni égratigner, ni mordre, mais bien instruire la jeunesse, de quoi ils sont plus capables que toute la masse des cuculatis. Ces gens, il est vrai, ont tergiversé pendant la dernière guerre; mais réfléchissez à la nature de la clémence. On ne peut exercer cette admirable vertu à moins que d'avoir été offensé; et vous, philosophes, vous ne me reprocherez pas que je traite les hommes avec bonté, et que j'exerce l'humanité indifféremment envers tous ceux de mon espèce, de quelque religion et de quelque société qu'ils soient. Croyez-moi, pratiquons la philosophie, et métaphysiquons moins. Les bonnes actions sont plus avantageuses au public que les systèmes les plus subtils et les plus déliés de découvertes, dans lesquels, pour l'ordinaire, notre esprit s'égare sans saisir la vérité. Je ne suis pas cependant le seul qui ait conservé les jésuites; les Anglais et l'impératrice de Russie en ont fait tout