<634>nord et vers l'orient de l'Europe. Nos envieux prennent leurs rêves pour des réalités, et débitent des sottises; mais il faut être autant sur ses gardes sur les sottises politiques que sur les théologales. Votre monarque, s'il aime la paix comme vous le supposez, pourra en donner des preuves en tranquillisant ses voisins et pacifiant des dissensions qui sont près d'embraser le sud de l'Europe. Ce prince paraît mesuré et sage dans ses démarches; c'est un phénomène rare à son âge de réunir et de posséder des qualités qui ne sont que le fruit d'une longue expérience.
Il paraît ici une pièce en vers sous le titre de : Louis XV aux champs Élysées.a Peut-être lavez-vous déjà vue à Paris. Louis y est équitablement jugé par Minos. Ce sont des polissonneries, et peut-être est-il contre l'étiquette de polissonner à l'occasion de la mort d'un grand monarque; mais tout sert à ceux qui aiment à s'amuser.
Je ne vous parle plus de M. de Crillon, que je respecte et honore comme un preux chevalier. Accordez-moi cependant qu'on peut avoir de bonnes qualités, et être un brin ennuyeux; et il accompagnait un prince de Salm qui était réellement aimable. Celui-ci attirait tous les regards; on s'entretenait avec lui, et on abandonnait l'autre à ses profondes méditations. Il faut creuser votre Crillon pour y trouver ces trésors cachés; mais tout le monde n'aime pas à creuser, principalement si c'est un oiseau de passage; tout le mal qui m'en a viendra, c'est que je ne connaîtrai pas à fond M. de Crillon.
J'ai entendu faire l'éloge de M. Turgot. On dit que c'est un homme sage, honnête et appliqué. Tant mieux pour vos pauvres paysans, qu'il soulagera du fardeau des subsides, s'il a des entrailles. Le bon choix des personnes en place est sans doute l'application la plus importante d'un souverain. Pour juger du règne d'un prince, il ne faut pas décider sur un début de trois mois. Je recueille les actions du seizième de vos Louis, et si je vis encore deux ou trois ans, ce sera alors que je pourrai dire ce que j'augure de son règne. Je me rappelle les prophéties de Voltaire au sujet du roi de Danemark; elles n'ont pas été heureuses; le plus sûr est de prophétiser après l'événement.
a Voyez t. XIV, p. xvIII, et 298-316; t. XXIII, p. 322.