<639>suffire à ses devoirs qu'en se mettant bien au fait des choses, et en entrant dans un détail qui lui paraîtra étranger et nouveau, vu l'éducation qu'il a reçue. Que l'ancien parlement revienne, que le nouveau reste, c'est un spectacle qui trouvera en moi un esprit neutre et qui ne décidera qu'après qu'on aura vu la somme du bien ou du mal qui en résultera. Nous autres acataleptiques ne sommes pas gens à précipiter nos jugements; nous sommes convaincus que nos raisonnements nous trompent souvent, et qu'il n'est presque aucune matière qu'on puisse discuter jusqu'au bout. C'est par une suite de ce scepticisme que je vous prie de ne pas ajouter foi légèrement aux calomnies qu'on répand contre nos bons pères; rien de plus faux que le bruit qui a couru de l'empoisonnement du pape; il s'est fort chagriné de ce que, en annonçant aux cardinaux la restitution d'Avignon, personne ne l'en a félicité, et de ce qu'une nouvelle aussi avantageuse au saint-siége a été reçue avec autant de froideur. Une petite fille a prophétisé qu'on l'empoisonnerait tel jour; mais croyez-vous cette petite fille inspirée? Le pape n'est point mort en conséquence de cette prophétie, mais d'un desséchement total des sucs; il a été ouvert, et on n'a pas trouvé le moindre indice de poison. Mais il s'est souvent reproché la faiblesse qu'il a eue de sacrifier un ordre tel que celui des jésuites à la fantaisie de ses enfants rebelles; il a été d'une humeur chagrine et brusque les derniers temps de sa vie; ce qui, avec les débauches qu'il a faites, a contribué à raccourcir ses jours. Voilà la Société justifiée, et ce qui en reste n'aura besoin ni d'arsenal pour le coutelet, ni de pharmacie pour les potions expéditives.
Après avoir fait l'apologie de l'innocence de ces prêtres, il me sera bien permis d'y ajouter celle d'un pauvre officier que je vous ai adressé; je ne m'attends pas qu'on y fasse attention; ni plus ni moins, nous aurons fait notre devoir. Cette abominable superstition est plus enracinée encore en France que dans la plupart des autres pays de l'Europe. Vos évêques et vos prêtres n'en démordront pas si facilement; ce ne sera pas la raison qui les convertira; la nécessité, qui les forcera à ne point persécuter, est l'unique moyen qui reste pour les réduire à la tolérance. Je souhaiterais que ma lettre fût ouverte, et qu'elle tombât entre les