<65>tions qui commençaient à devenir féroces reprennent des mœurs et de l'urbanité. Dans ma sphère, quoique étroite, je tâche d'y contribuer autant qu'il dépend de moi. Mais, madame, il y a bien des têtes dans l'Europe, et il reste toujours la grande difficulté de concilier tant de différentes volontés.
Voilà, madame, ma confession authentique, qui, je l'espère, me méritera mon absolution. Je l'attends de votre indulgence, et encore plus de la bonté avec laquelle vous recevez les assurances de la haute estime et de la parfaite considération avec laquelle je suis, etc.
23. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Dresde, 14 mai 1764.
Sire,
Je quitte la féerie et tous les jeux brillants de l'imagination pour me livrer tout entière au sentiment. Qu'il est beau de voir un grand guerrier faire l'éloge de la paix avec une éloquence qui paraît venir du cœur! V. M. nous fait espérer la conservation de cette paix si désirable. Elle juge qu'on peut la maintenir en Europe. Mais, Sire, de quelle condition en faites-vous dépendre la possibilité? Pourvu que les puissances ne veuillent pas se roidir contre un projet dont il vous paraît qu'une certaine puissance ne se départira jamais. On nous donna l'autre jour Les Trois Frères rivaux.a Madame Philidor déclare qu'elle sera la complaisance même, pourvu que son mari se soumette à toutes ses volontés. Les rois, Sire, ne ressemblent guère au bonhomme Philidor.b Ne serait-il pas plus simple de ne se mêler que de ses propres affaires, d'abandonner, par exemple, aux Polonais le soin de s'accorder sur le choix d'un roi? Faites adopter, Sire, un moyen si
a Comédie en un acte et en vers, représentée pour la première fois le 4 février 1713. Elle est de Joseph de Lafont, né à Paris en 1686, mort en 1725.
b Voyez la huitième scène de cette comédie.