<8>Nous avons deux temps dans la vie :
L'un est l'empire de l'erreur,
Où nous jouissons du bonheur;
L'autre est pour la philosophie,
Toujours triste, morne et rêveur.
De vos beaux jours et de votre âge
Le premier est l'heureux partage.
Les doux plaisirs, les passions,
Les charmes des illusions,
Attirent par leur assemblage
Les prémices de notre hommage.
La vive imagination
Du plus frivole badinage
Vous fait une occupation,
Vous montrant la légère image
D'un plaisir facile et volage.
Ici l'Amour, en badinant,
Décoche une flèche dorée,
Dont vous sentez incontinent
La pointe en votre cœur entrée.
Vous soupirez, vous vous troublez,
Et vos feux bouillants redoublés,
Tous les sentiments de votre âme,
Sont pour l'objet qui vous enflamme;
Le posséder, c'est être heureux.
La jouissance éteint vos feux;
Vous l'abandonnez, car tout s'use.
L'inconstance a plus d'une excuse,
Et les amants n'en manquent pas.
Vous quittez Flore, et vers Sylvie
L'amour a dirigé vos pas;
Tout le bonheur de votre vie
Est de posséder ses appas.
Bientôt une autre lui succède;
Vient son tour, et celle-là cède
Votre cœur au nouvel objet
Dont Vénus vous rend le sujet.
Ainsi, courant de belle en belle,
Un heureux instinct vous appelle