<88>obligeante à mes infirmités, je ne puis me dispenser de vous en témoigner ma reconnaissance. Je ne saurais dire si la goutte est un bénéfice ou un châtiment; mais sais-je bien que c'est un mal très-fâcheux, et qui laisse les membres estropiés, après les avoir accablés de douleurs. C'est la situation actuelle, madame, où je me trouve; mais je me résigne, et porte mon mal en patience. C'est un tribut que tout être paye à la nature pour avoir existé un certain temps. Il y a des ressorts qui s'usent les premiers; ceux-là présagent la chute de l'édifice, et le détruisent enfin. J'aurais fort souhaité que mes jardins eussent pu fournir à V. A. R. quelque chose d'assez rare pour lui être offert. C'est à force d'industrie qu'on force notre sable aride à produire malgré lui les semailles et les fruits que les habitants en tirent pour leur subsistance; c'est ce qui empêche de pousser la culture des jardinages et des terres au point de perfection où ils se peuvent dans des pays plus favorisés de la nature. On tâche ici de lutter contre l'aridité du sol, et contre ce que l'esprit des hommes a d'inculte et d'agreste. Cependant, madame, tout ce qui se fait ici jusqu'à présent est si peu de chose, que cela ne mérite point d'attirer l'attention de la princesse la plus éclairée et la plus instruite de l'Allemagne. La seule chose à laquelle je prie V. A. R. de faire attention est la haute estime et la considération avec laquelle, etc.
44. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Pillnitz, 12 juillet 1765.
Sire,
Si j'ai félicité Votre Majesté de son attaque de goutte comme d'un bénéfice, c'est que vos courses et vos soins infatigables m'ont trompée. Comment aurais-je imaginé que le mal eût été si sérieux? Quand il va jusqu'à ce point, je ne me pique point assez de fermeté pour en badiner, et j'ai toujours trouvé ridicule la