29. AU MÊME.
(Silberberg) 27 février (1779).
Demain je vous renverrai les Oraisons de Cicéron, en vous demandant le troisième, quatrième et cinquième volume. Je m'accommode toujours bien de cet homme; nous sommes d'anciens amis, et, en quelque occurrence que ce soit, sa compagnie est préférable à presque tous les autres auteurs anciens. J'en viens aux <29>oracles de Pitt expliqués par lui-même,32-a et je trouve qu'il est fort heureux que ce Pitt ne soit pas employé par Kaunitz comme plénipotentiaire pour la paix; car par ses explications il pervertirait le sens de toutes les conditions dont les médiateurs seraient convenus. Les nouvelles de ma petite me font toujours plaisir; on ne rencontre pas d'honnêtes gens qui le soient autant qu'elle, et je prise plus sa vertu que sa charmante petite figure. Notre guerre finira aussi sottement qu'elle a été stérile en événements fameux, et moi, je retournerai ramer mes choux à Sans-Souci, et le public dira : N'était-ce que cela? cela valait-il la peine de faire tant de bruit? Et je répondrai : C'est ainsi, comme vous voyez, que doivent être les exploits des septuagénaires. Adieu, mon cher; mes compliments à ma petite. Vale.
32-a Les mots oracles de Pitt font probablement allusion aux discours de cet homme d'État (mort le 11 mai 1778), qui désapprouvait la guerre contre les colonies, et en avait prédit les suites fâcheuses. Voyez la correspondance de Frédéric avec d'Alembert sur le même sujet, particulièrement ses lettres du 23 juin et du 5 octobre 1777.