89. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 26 octobre 1767.



Sire,

Vous êtes toujours Frédéric; soit que Votre Majesté parle de philosophie ou d'opéra, de guerre ou des beaux-arts, la même lumière éclaire votre esprit, et lui montre tous les objets dans leur vrai point de vue. J'en dirais davantage, Sire, si vous me prodiguiez moins de louanges; mais, en vérité, V. M. me met dans l'embarras, quoique je voie bien que sa politesse cherche seulement à me conserver les prérogatives de mon sexe. Je suis très-persuadée que, dans les fêtes que vous donnez à une nièce chérie, on reconnaîtra le génie qui a dirigé tant de choses plus importantes, et l'univers aimera à vous voir occupé de ces amusements. J'ai bien ri, Sire, de l'espérance où vous êtes que de bons Hollandais prendront aisément un jeune garçon pour une fille. Cette métamorphose est ordinaire à Rome, comme l'observe V. M., et elle se persuade sans doute que c'est par décence et par un excès de scrupule que ces vieux célibataires substituent, sur le théâtre, des garçons sans barbe aux femmes et aux filles. Mais ce scrupule me paraît plaisant dans des septuagénaires.

<144>Que j'aime, Sire, à vous entendre célébrer les faits bienfaisants et paisibles des princes! Que ne vous doivent-ils point, lorsque vous en relevez si haut la gloire, vous qui avez tant fait de ces choses dont l'éclat frappe bien plus vivement les yeux de tout le monde! Pour moi, dans ma sphère, je ne puis rien de plus glorieux que de protéger les arts et les sciences; je marcherai ainsi sur vos traces, et je donnerai des preuves réelles de cette admiration avec laquelle je suis constamment, etc.