134. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Lichtenwalde, 11 août 1770.



Sire,

Que je suis heureuse! Je reçois de Votre Majesté la plus charmante réponse à une idée de lettre dont j'avais accompagné M. de Witzleben. Toute remplie des belles choses qu'elle renferme, je me rendais à Lichtenwalde, moins pour y passer quelques jours avec la comtesse de Watzdorf que pour m'y occuper sans contrainte, et loin du grand monde, de mon bonheur ineffable de tenir un petit coin dans l'estime du prince qui mérite les hommages de l'univers entier, qu'il éclaire par ses lumières. A peine arrivée à la campagne, voilà M. de Borcke qui m'apporte de quoi mettre le comble à ma satisfaction. Quelque pénétrée que soit mon âme de ces précieuses marques de bonté de V. M., et quelle <204>qu'en soit ma juste reconnaissance, je laisse les prémices du rare fruit dont vous me régalez, Sire, pour me livrer entièrement à la joie que m'a causée l'heureux accouchement de madame la Princesse de Prusse,225-a et pour en offrir des holocaustes au ciel, d'accord avec mes vœux. Je savais bien que mon aimable cousine nous dédommagerait de l'attente où elle nous a fait languir. Qu'elle sera chère à son auguste oncle! Qu'elle sera adorée de son époux et aimée de sa respectable mère! Je partage bien sincèrement leur joie, et je ne souhaite que de la santé et des années au tendre rejeton du sang des héros. Élevé sous les yeux du philosophe par excellence, et formé par l'exemple et les instructions du premier héros du siècle, il ne peut manquer d'approcher de près les sublimes vertus de V. M. Je dis approcher, car il sera difficile à tout mortel, tel qu'il soit, d'atteindre à la perfection de Frédéric. Puissiez-vous, Sire, vivre encore assez longtemps pour voir l'accomplissement de mes vœux! Je brûle d'impatience de vous les exprimer de vive voix, ainsi que les sentiments de la haute considération et d'admiration avec lesquels je ne cesserai d'être, etc.

Mon hôtesse, qui est la plus respectueuse admiratrice de vos éminentes qualités, Sire, m'a priée de la mettre à vos pieds.


225-a Voyez t. VI, p. 25, et t. XX, p. 197.