165. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Munich, 21 février 1773.
Sire,
Il est trop juste qu'un héros qui s'est couvert de chaque espèce de gloire jouisse de toute espèce de bonheur. Celui que V. M. éprouve à présent est véritablement le bonheur d'un bon père de famille. Vous voyez, Sire, augmenter chaque jour et fleurir la vôtre par une accession nouvelle. Il n'y a plus à Berlin que des mariages et des baptêmes les uns plus heureux que les autres, et des événements si ordinaires en apparence sont encore l'ouvrage du génie de Frédéric, et de nouveaux garants de sa gloire. Agréez-en mes compliments avec votre bonté accoutumée. Il me semble que, parce que j'admire V. M. plus que personne, je sens plus vivement que personne tout ce qui vous arrive d'heureux. Passez-moi cette vanité, Sire; elle est si légitime dans une femme à laquelle vous avez accordé quelque droit sur votre estime!
Il n'y a point d'être plus glorieux que moi dans le moment où je reçois de vos lettres, et je ne me pavane pas mal parmi mes bons Bavarois, qui ont toujours eu de l'affection pour moi, et qui, sur votre parole, croient naturellement que je vaux encore mieux qu'ils n'avaient pensé. C'est ainsi que l'influence de V. M. s'étend sur tout, et que l'effet de vos bontés passe jusqu'aux plaisirs domestiques dont je jouis dans ma patrie. Daignez, Sire, me conserver toujours des sentiments aussi précieux, et, tandis que vous vous occupez du sort de l'univers et de la pacification de l'Europe, n'oubliez pas, de grâce, que, dans un coin quelconque de cette Europe, il existe une veuve qui, au<249>jourd'hui, n'est plus qu'une dilettante en fait de politique, mais qui, en cette qualité, ainsi qu'en toutes les autres, vous honore et vous respecte uniquement.
Je suis à jamais, avec ces sentiments de la plus haute estime et de l'admiration la plus complète, etc.