226. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Berlin, 28 décembre 1779.
Madame ma sœur,
J'ai voulu plus de mal que jamais à la goutte, qui vient de me livrer un nouvel assaut à la main droite, ce qui m'a mis hors d'état de pouvoir répondre plus tôt à la lettre flatteuse que V. A. R. a eu la bonté d'écrire. J'ai dit pour me consoler : Cette grande princesse souffre elle-même de la goutte; elle sait ce que c'est; ainsi elle aura quelque indulgence pour un pauvre diable qui se voit accablé de la même maladie. Pour en revenir à la lettre de V. A. R., elle me permettra que je compare sa plume au pinceau d'Apelles, qui embellissait et perfectionnait ses tableaux au point que par son art il surpassait de beaucoup la nature. C'est ainsi que vous vous complaisez, madame, de faire d'un nain un géant. Je commençais à me bouffir en lisant sa lettre; mais je m'aperçus bientôt que mon embonpoint n'était enfermé que dans les expressions avantageuses que vous daignez, madame, employer à mon égard, et sitôt mon embonpoint disparut. V. A. R. est du petit nombre de ces personnes privilégiées de la nature; tout ce qu'elle touche se convertit en or.366-a Mériter son approbation doit me suffire, ce doit être le comble de mes vœux; et si des conjonctures assez heureuses se sont présentées, où, par le concours de différentes causes, j'ai pu être assez heureux que de rendre quelques petits services à ceux qui ont le bonheur de lui appartenir de près, je le regarde comme un des plus grands avantages que je tiens de la fortune, vous donner, madame, des preuves de mon admiration et de mon dévouement étant la chose à laquelle j'aspire le plus. C'est avec ces sentiments, joints à ceux de la plus haute considération, que je suis, etc.
366-a Voyez ci-dessus, p. 274.