<104>si content, qu'il voulait sur-le-champ aller cherchera la paroisse ce que nous appelons le bon Dieu, ce que le malade ne voulut pas, « parla raison, dit-il, que je crache le sang, et que je pourrais bien par malheur cracher autre chose. » Il donna à cet abbé Gaultier, qui la lui demanda, une profession de foi écrite tout entière de sa propre main, et par laquelle il déclare qu'il veut mourir dans la religion catholique, où il est né, espérant de la miséricorde divine qu'elle daignera lui pardonner toutes ses fautes; et ajoute que s'il a jamais scandalisé l'Église, il en demande pardon à Dieu et à elle. Il avait ajouté ce dernier article à la réquisition du prêtre, et, disait-il, pour avoir la paix. Il donna cette profession de foi à l'abbé Gaultier, en présence de sa famille et de ceux de ses amis qui étaient dans sa chambre; deux d'entre eux signèrent comme témoins au bas de cette profession. Plusieurs de ses amis et de ses parents jugeaient avec raison qu'il avait porté trop loin la complaisance aux désirs de notre mère sainte Église, qu'il devait se contenter de déclarer verbalement, et en présence de témoins, qu'il mourait catholique, et qu'on ne pouvait rien exiger de plus, puisqu'il avait toujours désavoué les ouvrages antireligieux qu'on lui imputait. Quoi qu'il en soit, Sire, le curé de Saint-Sulpice, sur la paroisse duquel il était, homme de peu d'esprit, dévot et fanatique, vint le même jour voir le malade. Il parut assez fâché de ce qu'on ne s'était pas adressé à lui plutôt qu'à un prêtre du coin de la rue; il avait à cœur cette conversion, qu'un aventurier venait lui souffler malhonnêtement; cependant il approuva la profession de foi qu'on lui présenta, et en donna même son attestation par écrit.
Voilà, Sire, tout ce qui se passa pour lors. M. de Voltaire se trouva beaucoup mieux au bout de quelques jours, et assez bien pour venir dans la même journée à l'Académie et à la comédie. Au moment où il arriva à l'Académie, il trouva plus de deux mille personnes dans la cour du Louvre, qui criaient, en battant des mains : Vive M. de Voltaire! L'Académie alla en corps au-devant de lui jusqu'à l'entrée de la cour, lui donna la place d'honneur, le pria de présider à l'assemblée, le nomma directeur par acclamation, enfin n'oublia rien de tout ce qui pouvait marquer à cet illustre confrère son attachement et sa véné-