<109>dât bien, et que rien ne serait plus contraire aux règles. Ne croyez pas au reste, Sire, pour l'honneur de la nation, que tous les dévots, et même tous les évêques, approuvent la conduite abominable qu'on a tenue à l'égard de ce grand homme. Parmi plusieurs prélats que je pourrais nommer à V. M., l'archevêque de Lyon, frère du Montazet qui a servi, la dernière guerre, dans les troupes autrichiennes, prélat qui ne craint pas d'être accusé de relâchement, puisqu'il est regardé comme janséniste, a dit hautement qu'il ne comprenait rien à la conduite du curé de Saint-Sulpice et de l'archevêque de Paris; que rien n'était plus contraire aux lois et à l'usage constant de l'Eglise; qu'on ne devait refuser la sépulture qu'à ceux qui étaient notoirement excommuniés, ou qui donnaient en mourant des témoignages formels d'impiété, ce que M. de Voltaire n'avait pas fait. Plusieurs curés de Paris pensent de même, et sûrement l'auraient enterré, en dépit même de l'archevêque, s'il fût mort sur leur paroisse. Le curé de Saint-Étienne-du-Mont, entre autres, a dit publiquement qu'il l'aurait enterré dans son église entre Racine et Pascal, qui en effet y sont inhumés. Enfin toutes les personnes vraiment religieuses, c'est-à-dire, qui ne font point de la dévotion une affaire de parti et un moyen de faire parler d'elles et de jouer un rôle important, blâment unanimement le fanatisme du curé et de l'archevêque.
Je ne parle point, Sire, de tout le reste de la nation; je ne puis exprimer à V. M. à quel point elle est indignée de tout ce qui se passe, et il serait bien injuste de la rendre responsable de toute cette infamie, qu'elle aurait empêchée et réprimée, si elle avait le pouvoir en main. Les ministres qui ont souffert cette abomination déshonorante pour la France, et qui ont laissé les prêtres faire en cette occasion ce qu'ils ont voulu, ne pensent pas au crédit et à la force qu'ils leur donnent en agissant ainsi, puisqu'ils se croiront désormais les maîtres de donner ou de refuser à leur gré la sépulture. L'Académie française n'a pu encore obtenir de faire pour M. de Voltaire le service qu'elle a coutume de faire pour tous les membres qu'elle perd; et peut-être, malgré ses sollicitations, elle n'obtiendra pas cette grâce, dont le refus est un nouvel outrage à la mémoire du grand homme que nous