<111>de trop grands intérêts à traiter pour vous occuper d'un autre objet; mais V. M. vivra, elle jouira bientôt sans doute de quelques moments de repos, et je prendrai la liberté de lui reparler pour lors de la perte que nous avons faite, de l'intérêt qu'elle veut bien y prendre, et de ce qu'elle peut faire pour la mémoire du génie qui n'est plus.
Je termine cette lettre, Sire, en offrant plus vivement que jamais à V. M. tous les vœux que je fais pour elle, tous ceux que la nation française fait en ce moment pour vous, pour votre conservation, pour votre bonheur, pour votre gloire, pour vous voir l'arbitre et le sauveur de l'Allemagne. Jamais V. M. n'a été plus chère et plus respectable à l'Europe.
Ces sentiments, Sire, sont plus que jamais gravés au fond de mon cœur, ainsi que la reconnaissance éternelle, l'admiration profonde et la tendre vénération avec laquelle je serai jusqu'à mon dernier soupir, etc.
Paris, 1er juillet 1778.
P. S. J'ai été, Sire, tellement occupé de M. de Voltaire dans la lettre que je viens d'avoir l'honneur d'écrire à V. M., que j'ai presque oublié de lui parler d'une autre perte qu'elle vient de faire en la personne du respectable mylord Marischal,a dont V. M. honorait la vertu, et qui mérite bien les regrets que vous lui donnez, par la tendre vénération qu'il avait pour votre personne. On dit qu'il est mort avec la tranquillité la plus philosophique, et je n'en suis point surpris. Il m'honorait de son amitié, et j'en sentais tout le prix. Je perds tous les jours quelque ami, et on n'en refait plus à mon âge. Mais V. M. vit, et sa vie me fait supporter la mienne.
J'oubliais de dire à V. M. que M. de Voltaire, dans une des visites que lui fit son curé, lui fit donner vingt-cinq louis pour les pauvres de sa paroisse; le curé les prit, comme on dit, à belles baisemains, et n'en a pas moins refusé de l'enterrer. On pourrait lui dire comme Chicaneau au portier de son juge, qui reçoit la bourse du plaideur, et lui ferme la porte : Hé! rendez
a Voyez t. XX, p. XVIII.