<128>cessit, et qui a beaucoup de mérite aussi. On croit que cet anonyme est M. de La Harpe.a
L'Académie française possède, Sire, le buste de Voltaire dont j'ai eu l'honneur de vous parler. C'est moi qui le lui ai donné; mais comme je ne suis pas riche, je n'ai pu le donner qu'en terre cuite. V. M. l'aura en marbre quand elle le voudra; le buste est de mille écus. Elle pourra, si elle veut, me donner ses ordres à ce sujet; ils seront promptement exécutés. Elle pourrait même en faire deux, un pour elle, et un pour l'Académie de Berlin, qui recevrait sûrement ce buste avec tous les sentiments dus au donateur et à l'original. J'oubliais de dire à V. M. que ce buste est de deux manières, toutes deux très-ressemblantes, l'une à l'antique, avec la tète nue, l'autre avec la perruque, ce qui n'est pas si pittoresque, mais en même temps aide à la ressemblance parfaite; et c'est de cette dernière manière que je l'ai donné à l'Académie.
Vous n'avez que trop raison, Sire, sur la décadence où tout est tombé, et sur le grand vide que laisse la mort de Voltaire; mais tel est le sort des choses humaines. Quand même notre littérature se remonterait, je doute qu'elle puisse de longtemps produire un homme aussi rare, et qui réunisse tant de talents à un si haut degré. Tant que Frédéric vivra, l'Europe pourra se consoler d'avoir encore un grand homme. Vivez donc, Sire; jouissez longtemps de votre gloire, de l'admiration de l'Europe, et de la bénédiction de l'Allemagne.
Je suis avec la plus tendre vénération et la plus vive reconnaissance, etc.
a Aux mânes de Voltaire; dithyrambe qui a remporté le prix au jugement de l'Académie (par J.-F. de La Harpe). Paris, Demonville, 1779, in-8. Quant à La Harpe, voyez t. XXIII, p. 150.