<176>tront dans leur propre langue, par ce moyen, plus de force et d'énergie, qualités qui lui manquent encore.
Vous voulez bien vous intéresser à ma santé, et dans le temps que vous me félicitez d'en jouir, votre lettre me trouve dans le troisième accès de goutte dont je suis accablé depuis mon retour de Berlin. Ce sont des galanteries dont l'âge favorise les vieillards. Je me console avec l'abbé de Chaulieub et avec tous les goutteux du Vieux et du Nouveau Testament.c Cela incommode un peu en écrivant; mais on se fait à tout, et je dis comme Posidonius : O goutte! tu ne m'empêcheras pas d'écrire au sage Anaxagoras.
Ce M. Mayer a été ici.d Je vous confesse que je l'ai trouvé minutieux; il a fait des recherches sur les Cimbres et sur les Teutons, dont je ne lui tiens aucun compte; il a encore écrit une analyse de l'histoire universelle,e dans laquelle il a studieusement répété ce qu'on a écrit et dit mieux que lui. Si l'on ne veut que copier, on augmentera le nombre des livres à l'infini, et le public n'y gagnera rien. Le génie ne s'attache point aux minuties; ou il présente les choses sous des formes nouvelles, ou il se livre à l'imagination, ou, ce qui est mieux encore, il choisit des sujets intéressants et nouveaux. Mais nos Allemands ont le mal qu'on appelle logon diarrhoea;a on les rendrait plutôt muets qu'économes en paroles.b Voilà bien du bavardage pour un goutteux;
b Dans sa lettre à Voltaire, du 3 avril 1770 (t. XXIII, p. 171 et 172), Frédéric fait déjà allusion à la poésie de Chaulieu, Sur la première attaque de goutte que l'auteur eut en 1695.
c Voyez saint Matthieu, chap. VIII, v. 5 et suivants, chap. IX, v. 2 et suivants; et Actes des Apôtres, chap. IX, v. 33 et 34. Nous ne connaissons aucun passage de l'Ancien Testament où il soit question de goutteux.
d Le 12 février. Voyez Briefe zwischen Gleim, Wilhelm Heinse und Joh. von Müller, herausgegeben von W. Körte, Zürich, 1806, t. II, p. 157-160, et 170-172.
e Frédéric parle de la Vue générale de l'histoire politique de l'Europe dans le moyen âge, que l'on trouve dans Johannes von Müller särnmtliche Werke, herausgegeben von Johann Georg Müller, Tübingen, 1810, in-8, t. VIII, p. 263-314.
a Voyez t. XXIII, p. 399, et t. XXIV, p. 333 et 593.
b Il semble que Jean de Müller fasse allusion à ce passage vers la fin de son examen des Œuvres posthumes de Frédéric, en parlant de la correspondance avec d'Alembert. Voyez (Jenaische) Allgemeine Litteratur-Zeitung vom Jahre 1789, t. I, p. 414 et 415.