<178>tions du catéchisme et des cantiques.a Si, d'un côté, l'importance que ces prêtres mettaient à l'objet de leur requête est amusante par le ridicule, la réponse de V. M. est dictée par la sagesse même, armée de la plus fine et de la meilleure plaisanterie. « Mon intention est que chacun de mes sujets puisse s'arranger dans son culte comme il jugera à propos, et que tous, sans exception, soient les maîtres de chanter et de croire ce qu'ils voudront, et comme ils voudront. » Ah! Sire, que Voltaire aurait ri, s'il avait lu cette charmante réponse! quel usage excellent il en aurait fait dans le premier pamphlet qu'il eût imprimé, soit en vers, soit en prose! que ces expressions, s'arranger dans son culte, chanter et croire ce qu'ils voudront, sont heureuses et de bon goût! qu'elles sont dignes de servir de modèles aux souverains, que les théologiens veulent mêler dans leurs querelles, et qui, pour l'ordinaire, s'y mêlent avec une facilité si avilissante pour eux et si funeste à leurs peuples! J'ose assurer V. M. que ces mots si précieux à la raison ont fait ici autant de fortune que son bel éloge de l'Impératrice-Reine, et qu'ils sont en ce moment répétés avec de grands éclats de rire par tous ceux qui pensent, et qui, à l'exemple de V. M., méprisent toutes les superstitions humaines et toutes les billevesées théologiques. Puissent la destinée et la goutte vous permettre, Sire, de donner encore longtemps un pareil exemple aux rois, qui pour la plupart en ont si grand besoin, une si douce consolation à la raison et au bon sens, et une si efficace marque de mépris à l'absurde et atroce fanatisme!

Tout ce que V. M. me fait l'honneur de me mander sur l'état actuel de la littérature allemande est plein de goût et de lumières. Je souhaite et j'espère que les réformes proposées et ordonnées par V. M. auront un succès digne du héros philosophe et réformateur qui les a prescrites. Nos universités de France, et celle de Paris en particulier, auraient grand besoin d'un législateur tel que vous; car on y est encore bien encroûté de préjugés en tout genre, bien ignorant et bien fanatique.


a D'Alembert parle de l'ordre de Cabinet, du 18 janvier 1781, que l'on trouve dans l'ouvrage de J.-D.-E. Preuss, Friedrich der Grosse, eine Lebensgeschichte, t. III, p. 226 et 227.