<227>comme la pythonisse d'Endor;c apprenez que les francs-maçons forment dans leurs loges une secte religieuse (c'est beaucoup dire) plus absurde que les sectes connues. Telle est notre pauvre espèce, et telle sera-t-elle jusqu'à la fin des siècles. Des folies, des fables, le merveilleux, l'emportent toujours sur la raison et sur la vérité. Fontenelle avait bien raison de dire que s'il avait une main pleine de vérités, il ne l'ouvrirait pas pour la répandre dans le public, parce que le peuple n'en est pas digne.a

Mais savez-vous ce qui Aient d'arriver aujourd'hui? Moi qui croyais l'abbé Raynal enfermé dans quelque prison de votre inquisition, je le vois arriver ici. Il viendra chez moi cette après-dînée, et je ne le quitterai point que je ne l'aie coulé à fond. Enfin, j'ai vu l'auteur du Stadhoudérat et du Commerce de l'Europe. Il est plein de connaissances, qu'il doit aux recherches curieuses qu'il a faites; j'ai cru m'entretenir avec la Providence. Tous les gouvernements sont pesés à sa balance, et l'on risque le bannissement à oser avancer modestement devant lui que le commerce d'une puissance est de quelques millions plus lucratif qu'il ne l'annonce. Reste à savoir si ces notions qu'il a recueillies ont toute l'authenticité qu'on désire dans de pareilles matières.b

Si vous me parlez de l'Europe, je vous entretiendrai de mon tonneau, que je roule comme le fit Diogène durant les troubles de la Grèce. Le Nord désire ardemment la paix; malgré les associations maritimes et le code de Catherine pour l'empire de Neptune,c il n'est pas moins molesté par les fortes assurances que les pirateries obligent de payer. Un grand génie qui habite le


c I Samuel, chap. XXVIII, v. 7 et suivants.

a Voyez t. XXIV, p. 523 et 527.

b Voyez J.-D.-E. Preuss, Friedrich der Grosse, eine Lebensgeschichte, t. III, p. 269 et 270, et Nouvelles lettres inédites de Frédéric II à son libraire Pitra, Berlin, 1823, p. 39-43.

c L'impératrice de Russie déclara la neutralité armée le 28 février 1780. Le Danemark et la Suède y accédèrent les premiers, le 9 et le 21 juillet suivant; la Convention pour le maintien de la liberté du commerce et de la navigation neutre, conclue entre les cours de Prusse et de Russie, le 8 mai 1781, se trouve dans le Recueil de M. de Hertzberg, t. I, p. 457-464. Voyez aussi Mémoire ou précis historique sur la neutralité armée et son origine, suivi de pièces justificatives, par M. le comte de Goertz.. A Bâle, 1801.