<234>qui vous voient, Sire, vous promet et promet à l'Europe encore plusieurs années d'une vie qui ne sera jamais trop longue pour le bien de vos peuples, pour le repos de l'Allemagne, pour l'honneur et le soutien de la philosophie, et surtout pour moi, le dernier des philosophes, mais le premier et le plus zélé de vos admirateurs.
Cette philosophie, Sire, a plus besoin que jamais de protecteurs et de modèles tels que vous. On la joue actuellement d'une manière aussi plate qu'indécente sur le Théâtre français;a et cette sottise, qui n'avilit que ses auteurs, a l'honneur d'avoir des protecteurs importants, qui soupçonnent au fond de leur âme le profond mépris que la philosophie a pour eux, quoiqu'elle ne s'en vante pas. Mais, à force d'esprit, ils s'en doutent, et essayent, pour s'en venger, des moyens aussi dignes d'eux par leur nature que par leur succès.
V. M. a bien raison sur le parti qu'a pris le César Joseph d'épargner les mendiants, ces vampires de l'État et du peuple. Il fallait détruire également et les fainéants opulents, et les fainéants qui mendient. Nous ignorons en France, où nous ne nous intéressons qu'aux spectacles de la foire, quels sont les progrès de la suppression impériale ordonnée contre l'engeance monastique. On a répandu que des évêques et des moines avaient formé contre l'Empereur une conspiration qui avait été découverte à temps. Je crois néanmoins que toute cette engeance est bien moins à craindre qu'elle ne paraît pour un prince qui a trois cent mille hommes et une volonté ferme; qu'on fait à l'Église bien de l'honneur de la craindre, et qu'elle ne peut jamais faire de mal qu'à ceux qui ont la faiblesse de la redouter. Je suis bien sûr que si V. M. la mettait à la raison pour quelque sottise qu'elle voudrait faire, elle pourrait se promener sans armes au milieu d'une procession, et sans avoir rien à redouter. La procession de la Ligue n'aurait pas eu beau jeu sous un autre monarque que Henri III, et sous un prince tel que Frédéric.
On nous a dit que l'abbé Raynal avait été sérieusement ma-
a La comédie des Philosophes, par Palissot, avait fait beaucoup de bruit en 1760 (voyez t. XIX, p. 203). Nous ne saurions dire si c'est à cette pièce ou à quelque autre que d'Alembert fait allusion.