<249>de sa santé. Puissé-je enfin, quoique je ne m'en flatte guère, faire la paix avec ma vessie, comme nous venons de la faire avec l'Angleterre, qui en avait, je crois, autant de besoin que nous pour le moins! Nous voilà donc en paix, jusqu'à ce que quelque sottise politique, de quelque part qu'elle vienne, ramène la discorde. Les Espagnols doivent être bien heureux de recouvrer Mahon et les deux Florides, après la manière ridicule et plate dont ils se sont comportés. Leur ineptie en tout genre ne les empêche pas de donner la loi partout, jusque sur notre Théâtre français, où l'ambassadeur d'Espagne empêche dans ce moment de jouer une tragédie qui a pour sujet la mort de Don Carlos. Vous n'auriez pas cru, Sire, qu'il dût un jour être défendu de peindre, sur le théâtre de France, le plus cruel et le plus abominable ennemi des Français, l'exécrable Philippe II; mais cette persécution qu'éprouvent les lettres est la suite de l'horrible inquisition à laquelle on les a soumises. Par bonheur ou par malheur pour moi, ma vessie, qui est aujourd'hui mon premier intérêt, m'empêche d'être indigné ni même affligé de toutes ces vexations, qui ne vont pas jusqu'à moi, quoique j'aie dans mes portefeuilles bien des rapsodies à donner, quand il plaira à Dieu de me faire pisser sans douleur.
On nous menace toujours de troubles du côté de la Turquie. Puissent ces troubles, Sire, ne pas venir jusqu'à nous! Puissent-ils aussi, ce qui est malheureusement plus difficile encore, ne pas vous intéresser assez pour troubler la paix dont vous jouissez avec tant de gloire!
Nous attendons avec impatience la nouvelle édition de Voltaire, qui paraîtra, à ce qu'on assure, dans le courant de cette année, s'il plaît à nos Argus fanatiques de la laisser entier en France. Leur ineptie, comme le dit très-bien V. M., fera gagner aux Allemands et aux Hollandais l'argent que la France perdra de gaîté de cœur. C'est son affaire, et bien peu la mienne.
V. M. a bien raison sur la plate astuce des prêtres, qui, en criant et en faisant semblant de croire que les princes sont sur la terre les images de la Divinité, veulent persuader aux souverains imbéciles que l'Église est la sauvegarde de leur trône et de leur couronne. Hélas! ils ne crient aux oreilles des rois que la royauté