<28>voir exige de ma part, Sire, de nouvelles expressions de toute la reconnaissance et de toute la vénération que je vous dois à tant de titres. V. M., en honorant de ses bienfaits le malheureux et intéressant d'Étallonde, va donc venger d'une manière éclatante et digne d'elle l'innocence opprimée par le fanatisme des prêtres et l'atrocité des parlements! Ils ne valent pas mieux, Sire, les uns que les autres, et ce qui le prouvera bien à V. M., c'est que ces mêmes hommes qui se sont déchirés avec tant de fureur pour des sottises sous le règne du feu roi font actuellement entre eux une ligue offensive et défensive, qu'ils ont l'insolence d'annoncer publiquement, pour s'opposer à l'autorité royale, qui sans doute ne le souffrira pas, et pour empêcher, s'ils le peuvent, le bien que des ministres éclairés et vertueux voudraient faire. Je disais l'autre jour à quelqu'un, et je crains bien d'avoir raison, que, en chassant le parlement nouveau pour reprendre l'ancien, nous n'avions fait que changer notre bête puante en une bête venimeuse.a
Quant aux prêtres, qui sont actuellement assemblés comme ils le sont par malheur tous les cinq ans, et qui dans cette assemblée se dévorent et se déchirent entre eux, ils partent de là pour aller à Versailles conjurer le Roi de renouveler les édits atroces et absurdes qui ordonnent la persécution des protestants. Voilà ce qu'ils ont fait jurer à ce prince dans la cérémonie de son sacre. Je ne sais si V. M. a reçu l'ouvrage imprimé qui a pour titre : Formules et cérémonies pour le sacre de Sa Majesté Louis XVI. Je voudrais, Sire, que vos occupations, à la vérité trop importantes pour que des sottises les interrompent, vous permissent de jeter les yeux sur ce livre, qui a indigné tous les bons et fidèles
a La seconde moitié de cet alinéa, à partir de : « Ils ne valent pas mieux, » est remplacée dans l'édition Bastien, t. XVIII, p. 48 et 49, par ceci : « Car les philosophes n'ont pas plus à espérer des uns que des autres. En effet, ces deux corps qui sous le règne du feu roi se heurtaient sans cesse pour des billets de confession, pour je ne sais quelle bulle de la fin du règne de Louis XIV, paraissent avoir fait contre la philosophie une ligue offensive et défensive, et contre le progrès des lumières. Ces parlements qui brûlent sans miséricorde les œuvres des philosophes pourraient bien, si on les laissait faire, échauder les philosophes eux-mêmes. En effet, quoique l'inquisition n'ait pas pu s'établir en France, messieurs les philosophes n'y sont guère plus à leur aise qu'ailleurs. »