18. DU MÊME.
Berlin, 5 avril 1736.
Monseigneur,
Votre Altesse Royale m'ayant ordonné en partant de ne pas oublier de lui envoyer le reste de mes Additions à ma lettre du 22 mars, j'ai l'honneur de les joindre ici. Et comme elle m'a fait la grâce de me témoigner que leurs aînées ne lui avaient pas déplu, j'ose quasi me flatter que celles-ci ne lui déplairont pas non plus, puisque je crois avoir prouvé mes thèses par des preuves et par des exemples qui ne souffrent pas de réplique, dès qu'on veut bien mettre la main sur la conscience.
Ne doutant pas, d'ailleurs, que V. A. R. n'ait un peu feuilleté l'Histoire OU les Mémoires de la calotte,a que j'ai eu l'honneur de lui remettre, ni qu'elle n'y ait trouvé l'arrêt que j'y avais marqué, j'ose la supplier de ne pas oublier de me renvoyer ce livre lorsqu'elle n'en aura plus besoin, afin que j'en puisse faire restitution à l'ami libraire qui me l'a prêté, et qui tremble de peur qu'il ne lui en arrive du chagrin, parce que c'est un livre défendu ici, à ce qu'il m'a dit, à cause de l'arrêt susdit. Je ne sais ce qui en est; mais si par hasard cela était vrai, j'admirerais la rigoureuse délicatesse de la police, qui, par zèle pour les grands objets, déclare et regarde cette pièce burlesque comme un péché mortel ou comme un crime de lèse-majesté. Cela me fait souvenir, peut-être mal à propos, de ce passage de Boileau :
Qui méprise Cotin n'estime point son roi,
Et n'a, selon Cotin, ni Dieu, ni foi, ni loi.b
Le manuscrit et le petit livre que je prends la liberté de joindre ici n'auront certainement pas le même traitement à craindre à
a Les Calottes étaient une espèce de satires en vogue en France au commencement du dixhuitième siècle. On en a imprimé des recueils, par exemple, le Recueil des pièces du régiment de la calotte. Paris (Hollande), 7726 (1726), cinq volumes.
b Boileau, Satire IX, v. 305 et 306. Voyez t. VIII, p. 238, et t. XVI, p. 106 de notre édition.