<55>nos jours! C'est une sottise de moins, qu'on épargne à notre croyance; mais qui répondra des autres?
Ayez pitié du plus ignorant des hommes, et venez l'été prochain l'éclairer de votre lumière, le rassurer sur ses doutes, et surtout le réjouir par votre présence. C'est ce qu'attend de vous votre ancien admirateur.
Sur ce, etc.
176. AU MÊME.
Le 26 octobre 1776.
Il y a, mon cher d'Alembert, un proverbe qui souvent n'est que trop vrai : Un malheur ne vient jamais sans l'autre. Je serais fort embarrassé d'en donner une raison passable. Ni plus ni moins, l'expérience prouve que cela arrive souvent. Voilà madame Geoffrin attaquée de paralysie, qui, selon toutes les apparences, après avoir langui jusqu'à l'hiver, sera emportée par un coup d'apoplexie foudroyant. J'en suis lâché pour vous et pour les lettres, qu'elle honorait. Mais, mon cher d'Alembert, vous savez apparemment qu'elle n'était pas immortelle. A bien prendre les choses, les morts ne sont pas à plaindre, mais bien leurs amis qui leur survivent. La condition humaine est sujet le à tant d'affreux revers, qu'on devrait plutôt se réjouir de l'instant fatal qui termine leurs peines que du jour de leur naissance. Mais les retours qu'on fait sur soi-même sont affligeants; on a le cœur déchiré de se voir séparé pour jamais de ceux qui méritaient notre estime par leur vertu, notre confiance par leur probité. et notre attachement par je ne sais quelle sympathie qui se rencontre quelquefois dans les humeurs et dans la façon de penser. Je suis tout à fait de votre sentiment, qu'à notre âge il ne se forme plus de telles liaisons; il faut qu'elles soient contractées dans la jeunesse, fortifiées par l'habitude, et cimentées par une intégrité soutenue. Nous n'avons plus le temps de former de semblables liaisons; la jeunesse n'est point faite pour se prêter à notre façon