14. DU MARQUIS DE CONDORCET.
Paris, 26 mars 1786.
Sire,
Je n'ai point cessé de faire tous mes efforts pour préserver de toute espèce d'indiscrétion la correspondance de V. M. avec M. d'Alembert. M. Watelet était receveur général des finances; la chambre des comptes a mis le scellé sur ses papiers, et tout ce que la rigueur des formes a pu permettre, c'est que la correspondance fût remise à M. de Nicolaï, premier président de cette chambre, qui la gardera jusqu'à ce qu'une personne chargée des ordres de V. M. la réclame en son nom.
Si elle veut bien en charger M. le baron de Grimm, ou si elle daigne permettre que ce dépôt si précieux pour la gloire de mon ami et pour celle des lettres me soit confié, il cessera d'être exposé aux différents genres d'indiscrétion qui peuvent se commettre. Je puis répondre à V. M. qu'il ne sortirait jamais d'entre mes mains, et que je prendrais les précautions les plus certaines pour qu'aucun événement ne pût l'exposer de nouveau.
M. Lévesque sera prêt à partir vers la fin d'avril. Un homme de lettres, père de famille, très-peu riche, a besoin de plus de temps qu'un autre pour arranger ses affaires, quoique très-peu compliquées. Toute négligence peut être fatale à une petite fortune.
M. Dupuis ne pourrait partir que vers le mois de septembre. C'est alors qu'il deviendra libre; car il a été impossible de lui obtenir une grâce que méritent ses talents, et que l'intérêt que V. M. a daigné lui témoigner lui aurait sûrement fait accorder, si <384>des corps, et surtout des corps composés comme l'université de Paris, pouvaient se conduire comme des particuliers.
Je suis avec le plus profond respect, etc.