<492>liguer les premières puissances de l'Europe contre nous. Je vois tout cela, les détails m'en viennent journellement; comment pourrais-je donc envisager avec sang-froid des manigances aussi dangereuses pour l'Etat dont la conservation est confiée à mes soins, d'autant plus que mon devoir est d'écarter, non pendant ma vie uniquement, mais encore après ma mort, par de bonnes alliances et par tous les moyens que j'ai, les calamités futures que je puis prévoir dans l'avenir. Voilà, mon cher frère, une tâche bien difficile pour mon âge, et qui pourrait fournir une source intarissable d'occupations aux têtes les plus chaudes et les plus éveillées. Si j'envisageais des objets aussi importants avec indifférence, j'agirais indolemment, et je manquerais à ce que je dois à l'État; il faut donc que je rassemble le peu de forces qui me restent, pour remplir mes devoirs selon toute leur étendue. Mon temps est fait, mon cher frère, le monde n'est plus rien pour moi; mais je ne veux avoir rien à me reprocher, et je veux éviter qu'on dise après ma mort que j'ai négligé la moindre chose.

La fin de votre lettre ne m'a point réjoui; j'avais espéré, mon cher frère, que les eaux de Spa avaient entièrement rétabli votre santé, et je n'aime point du tout ces coliques hémorroïdales. Je vous conjure de ne me point écrire quand vous avez ces incommodités, parce que vous pourriez les empirer, et que, privée de la santé, notre existence en devient encore plus insupportable.

Le prince Ferdinand, qui va voir sa sœur à Berlin,a passera demain ici.

Voilà ce qu'un vieil anachorète peut vous mander du fond de sa cellule;b d'ailleurs, j'espère, mon cher frère, que vous ne doutez point des sentiments de tendresse et de la haute estime avec laquelle je suis, etc.


a Le prince Ferdinand de Brunswic venait voir la reine de Prusse.

b Voyez t. XXIII, p. 430, et t. XXV, p. 9, 10, 19, 20, 200 et 207.