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10. DE LA REINE-MÈRE.

Monbijou, 7 juin 1745.



Monsieur mon très-cher fils,

Jamais joie n'a égalé la mienne, mon cher fils, quand j'ai appris la victoire complète que vous veniez de remporter sur vos ennemis. Je me flatte qu'elle sera si décisive, qu'elle pourra contribuer à vous donner la paix. J'ai à bénir le ciel de m'avoir conservé tout ce que j'ai de plus cher au monde, votre personne, mon cher fils, m'étant plus chère que ma vie. J'ai admiré votre attention de faire signer votre lettre par mes deux fils. Je me trouve à présent la plus heureuse mère du monde, qu'ils me sont tous rendus, et il me semble qu'une pierre du cœur m'est ôtée. J'espère que pour cette campagne je n'aurai plus rien à appréhender. Après la bataille de Hochstadt, on n'a point entendu parler de tant de drapeaux, étendards, timbales et canons de pris. Je doute même qu'à Fontenoi on en puisse dire autant. Rien n'est plus glorieux pour vous, mon cher fils; je vous en félicite et y prends part, vous étant si attachée, que je ne puis que participer à votre gloire, qui est complète. Je plains ceux que nous avons perdus dans cette occasion, que je traite en héros; le pauvre Truchs est du nombre, qui laisse une veuve dénuée de tout et dans une triste situation; aussi est-elle dans le dernier désespoir. Nous rendrons demain grâce à Dieu d'avoir béni vos armes, et jeudi je donnerai une fête pour témoigner ma satisfaction, qui est des plus grandes. Je fais pourtant, mon cher fils, toujours des vœux pour vous, et suis avec une tendresse et un zèle parfaits, etc.