<XIX>il forma le projet d'aller faire la campagne, comme volontaire, dans le corps d'armée commandé par le feld-maréchal de Lehwaldt; mais le Roi l'en fit dissuader par le comte de Finckenstein (lettre à ce ministre, Grüssau, 24 mars 1758). Le 20 avril, le Prince de Prusse fit son testament, dont il confia l'exécution à son frère le prince Henri,a et il mourut à Oranienbourg le 12 juin 1758. Cette perte fit la plus grande peine à Frédéric. « Je viens de recevoir encore des nouvelles de Berlin, écrit-il au prince Henri, d'Opotschna, 20 juillet. Quelquefois mes affaires m'étourdissent sur nos malheurs communs; mais tout d'un coup, quand cela me revient à l'esprit, mon cœur saigne, et je deviens d'une mélancolie horrible. Chaque lettre de mes sœurs, la vue du régiment,b tout me rend d'une sensibilité affreuse. »c Ce passage n'est pas le seul où Frédéric exprime la douleur véritable que lui causait la perte de son frère. Il y revient à plusieurs reprises dans ses écrits,d et l'on voit que s'il avait parfois traité le prince avec sévérité, il n'avait jamais cessé d'avoir la plus tendre affection pour lui.

Cette affection, il la lui témoigna constamment. Ses lettres sont toujours amicales, même dans les moments où il croit avoir à se plaindre de son frère. De plus, il lui adressa, le 28 novembre 1738, l'Épître qui se trouve dans les Œuvres du Philosophe de Sans-Souci (t. X, p. 61-67 de notre édition); il le choisit en 1740 pour l'accompagner à Strasbourg;e en 1751, enfin, il lui dédia ses Mémoires de Brandebourg, en rendant l'hommage le plus flatteur à son noble et aimable caractère.f

Le prince Guillaume, que le Roi déclara Prince de Prusse, c'est-à-dire, héritier présomptif, le 30 juin 1744,g avait épousé, le 6 janvier 1742, la princesse Louise de Brunswic-Wolfenbüttel, sœur de la reine Élisabeth. De ce mariage naquirent : le prince Frédéric-Guillaume, successeur de Frédéric;h le prince Henri, dont l'Éloge se


a Voyez ci-dessous, p. 200.

b Prusse infanterie.

c Voyez ci-dessous, p. 203.

d Voyez t. IV, p. 252; t. XVII, p. 392 et 393; t. XX, p. 301; et ci-dessous, p. 35 et 36.

e Voyez t. XIV, p. 181.

f Voyez t. I, p. XXXIX - XLII.

g Voyez Mylius, Corpus Constitutionum Marchicarum, Continuatio II, no 18, p. 191 et 192.

h Voyez t. III, p. 90; t. VI, p. 17, 25, 173, 249 et 250; et t. IX, p. III et 39-45. Après la mort du prince Guillaume, le prince Frédéric-Guillaume son fils fut déclaré Prince de Prusse, le 11 décembre 1758. Voyez Mylius, Novum Corpus Constitutionum Marchicarum, t. II, p. 319, no 54.