<XVI>plus vive et la plus naturelle l'affliction dans laquelle le plongea cette perte irréparable.

Ces détails montrent suffisamment qu'on ne saurait accorder une entière confiance aux renseignements que la margrave de Baireuth donne, dans ses Mémoires, sur le caractère des relations de Frédéric avec sa mère. Un examen attentif de cet ouvrage permet de supposer que celle qui en est l'auteur cherchait plutôt à faire briller son esprit qu'à raconter les faits dans toute leur vérité. Elle prétend, par exemple,a que la reine Sophie s'était toujours flattée d'avoir beaucoup d'ascendant sur l'esprit de son fils, et d'exercer, dès qu'il serait monté sur le trône, une certaine influence sur le gouvernement. Le Roi aurait dit à sa sœur, en 1734, en parlant de l'avenirb : « J'aurai de grandes considérations pour la Reine ma mère, je la rassasierai d'honneurs; mais je ne souffrirai point qu'elle se mêle de mes affaires, et si elle le fait, elle aura à qui parler. » Nous savons que personne n'eut jamais d'empire sur l'esprit de Frédéric, ni aucune part à son gouvernement, et que l'indépendance absolue de son caractère se révéla dès son séjour à Rheinsberg. Sa mère ne pouvait donc pas se faire d'illusions à cet égard. Mais la Margrave ne ménage personne dans ses Mémoires, et elle déchire sans pitié ses plus proches parents,c qu'elle fait pourtant profession de chérir.d Elle cherche avant tout à exciter la curiosité du lecteur;e pour cela tout lui est bon, jusqu'aux traits amers lancés contre celle dont elle tenait la vie.f Il est donc évident que les Mémoires de la margrave de Baireuth, plus piquants que consciencieux, ne peuvent servir de preuve contre le caractère de la reine Sophie, ni contre la nature affectueuse de ses rapports avec Frédéric.

Les Archives de la maison royale conservent un grand nombre de lettres adressées par la reine Sophie à son fils, depuis le 7 février 1732 jusqu'au mois de février 1756. Elles sont toutes écrites sur du papier à tranche dorée, et en français, à une seule près, qui


a Édition (du colonel d'Osten) de Brunswic, 1810, t. II, p. 300 et 301, année 1740.

b L. c., p. 201 et 202.

c Voyez les Mémoires de la Margrave, t. I, p. 143 et suivantes, où cette princesse donne la chronique scandaleuse de la maison royale.

d L. c., t. I, p. 90, 284, 303, et t. II, p. 135, 136, 299 et 300. Voyez aussi la correspondance de la Margrave avec Frédéric.

e L. c., t. I, p. 350 et 351.

f L. c., p. 12, 13, 58-60, 77, 87 et suivantes, 108-110, 128, 129, 131, 132, 154, 251, etc.