<XXVII>toujours au plus haut degré par les sentiments élevés, les pensées ingénieuses et les jugements justes qu'elles renferment. Ce sont de précieux matériaux de première main pour l'histoire du temps. Le style en est, à la vérité, inégal et fréquemment incorrect; mais il a toujours le mérite de la clarté et souvent celui de l'énergie. Cette correspondance et celle du Roi avec la margrave de Baireuth sont incontestablement les plus intéressantes de celles que le monarque entretint avec sa famille, et elles font reconnaître une fois de plus que dans les relations intimes l'élévation de la pensée se communique comme par reflet. Les opérations militaires de la guerre de sept ans et les négociations politiques qui précédèrent le partage de la Pologne font sans doute l'objet principal de la correspondance qui nous occupe; mais l'âme de Frédéric, si sensible à l'amitié, tempère l'aridité du sujet par les épanchements de l'amour fraternel et des affections de famille, sentiments que le patriotisme domine et règle cependant toujours.

Nous avons déjà parlé ailleurs de la souplesse avec laquelle Frédéric sait conformer l'esprit et le ton de ses lettres au caractère particulier des personnes à qui il écrit, de manière que chacune de ses correspondances nous le montre sous un nouveau jour. Dans celle-ci, il nous apparaît infatigable et inépuisable en ressources, comme souverain, comme soldat, comme négociateur et comme homme. On y voit combien son cœur souffre des malheurs de la guerre, ainsi que des rigoureuses extrémités auxquelles il est quelquefois obligé d'avoir recours quand il s'agit de l'honneur et de la puissance de la Prusse, dont il avait à cœur d'assurer l'avenir. Il traite son frère comme son digne compagnon d'armes et comme l'habile associé de ses travaux diplomatiques. Il mêle avec infiniment de tact les éloges que méritent ses succès à des directions aussi sages que réservées sur ses opérations ultérieures. En 1772, par exemple, il déclare franchement que c'est au prince Henri que la Prusse doit ce qui lui est revenu du partage de la Pologne. En tout temps il lui parle sans détour de tout ce qui concerne soit les affaires du pays, soit la famille royale. Ainsi l'on voit dans ses lettres avec quelle sollicitude il s'efforce d'épargner à sa sœur de Baireuth et aux États de cette princesse les souffrances inséparables de la guerre. Il s'exprime au sujet de la mort de sa mère, de son frère, de sa sœur, avec une douleur profonde, mais aussi avec l'élévation qui convient à sa position et à son caractère. Sa grande âme oublie sans effort les petits dissentiments personnels qui survenaient de temps en temps, et il sait tou-