16. AU PRINCE DE PRUSSE.

Potsdam, 23 février 1747.



Mon cher frère,

Votre modestie vous tient lieu d'un nouveau mérite. L'orgueil et la vanité ternissent souvent l'éclat des qualités les plus brillantes; mais la modestie est le vernis de la vertu. Je n'irai point faire une comparaison de vous à moi. Ce que vous devez faire un jour n'est pas encore arrivé; mais je suis très-persuadé et même convaincu que vous vous acquitterez dignement de toutes les places que vous occuperez. Vous avez des talents, les meilleures intentions du monde, et vous vous appliquez; que faut-il davantage pour exceller dans quelque genre de métier qu'on choisisse?

Ma santé va beaucoup mieux à présent; la fièvre m'a quitté, je commence à reprendre des forces; mais je fais encore des remèdes par lesquels on me fait espérer de parvenir à une santé plus ferme et plus durable que celle dont j'ai joui jusqu'à présent. L'intérêt que vous prenez à ma personne est capable de m'attacher plus que toute autre chose à la vie. Je suis plus sensible à votre amitié qu'à tous les biens de la terre, et à tout ce que la vanité admire et à ce que l'erreur encense; continuez-moi ces sentiments, mon cher frère, et soyez persuadé du tendre retour avec lequel je suis, etc.