<146>chante avec une grâce infinie, un goût et une finesse qui ne se trouvent guère. Nous aurons cet hiver l'opéra de Scipion et de Cajo Fabricio; j'espère que les décorations et les habillements y répondront. La fête de Charlottenbourg a été un peu dérangée;b mais le mal est tout réparé à présent. Nous avons été à Oranienbourg et à Remusberg, où nous avons fait tout ce que nous avons pu pour amuser la Reine. Je pars dans huit jours pour faire une tournée en Silésie. Vous avez trop de bonté de penser à ma goutte; elle m'a laissé une enflure aux jambes qui me déplaît beaucoup. Quand l'âge s'avance, il ne faut pas s'étonner à la vue des infirmités qui l'accompagnent. Je vous prie, ma chère sœur, de me croire avec toute la tendresse possible, etc.
173. A LA MÊME.
Potsdam, 22 août 1746.
Ma très-chère sœur,
Je suis bien aise de savoir que vous vous divertissez si bien à Baireuth. Vous faites le mieux du monde en préférant le parti de la gaîté à celui de la tristesse. Pour moi, je suis revenu malade de Silésie, ayant pris les hémorroïdes avec beaucoup de douleurs, et m'étant donné une entorse à la jambe. Hier on m'a fait une bonne incision; mais, malgré tous mes maux, je suis tranquille et gai; c'est le meilleur antidote contre les chagrins et contre les douleurs. Je vous souhaite mille satisfactions, ma chère sœur, vous priant de me croire à jamais, etc.
171. A LA MÊME.
Potsdam, 1er novembre 1746.
Ma très-chère sœur,
Je suis bien mortifié d'apprendre que vous êtes si souvent incommodée; je me flatte cependant que cela n'aura aucunes mauvaises suites. Vous avez toujours des miracles à Baireuth : tantôt des chiens verts, tantôt des monstres extraordinaires, des bagues qui font tourner des épées, des canons qui seuls font plus que dix autres. Je crois que votre général fera bien de travailler pour l'arsenal de Nuremberg; il ne pourra jamais trouver de meilleurs chalands que les bourgmestres et les syndics de cette bonne ville. Nous sommes ici dans un goût plus simple; nous adoucissons les amertumes de la vie par des divertissements et des plaisirs unis, et sans trop de fracas. Mon frère Ferdinand va à la chasse pour toute la famille; je m'amuse avec l'étude, la musique, l'architecture, le jardinage et toutes sortes d'occupations agréables, et je me prépare à rentrer en ville vers l'hiver, dans un mois d'ici. Nous aurons de bons comédiens qui nous arrivent de Paris, et l'on jouera l'opéra de Cajo Fabricio et d'Arminius.
Je souhaite d'apprendre bientôt de bonnes nouvelles de votre santé, vous priant de me croire avec une parfaite amitié, ma chère sœur, etc.
b Frédéric écrit à la Margrave dans une lettre inédite du 1er juillet : « La Reine a été à Charlottenbourg; le feu a pris aux chambres des domestiques, et nous avons été obligés de quitter ce lieu pour faire réparer la maison. »