3. DE LA PRINCESSE AMÉLIE.
Berlin, 27 mars 1745.
Mon très-cher frère,
Je ne saurais m'abstenir plus longtemps du plaisir que j'ai de vous faire ma cour. Mon devoir, mon penchant et mon inclination, tous trois de concert, n'ont pu souffrir ce silence. Il a été terrible pour moi, surtout puisque c'est la seule consolation qui me reste que d'avoir l'honneur de me mettre à vos pieds par des lettres. La santé de la Reine notre incomparable mère est parfaite; la saignée lui a fait un bien infini. Une légère indigestion de la princesse fut cause qu'elle alla dernièrement chez elle pour la voir, et comme il faisait assez beau, elle eut envie de faire un tour sous les Arbres. Tout étant prêt, la Reine voulut se mettre en carrosse; mais lorsqu'elle le vit, elle fut fort étonnée de la magnificence des harnais et du bon goût qui règne dans tout l'équipage. La Reine demanda à M. de Wülknitz d'où cela venait qu'il était si leste, et qu'elle ne l'avait point commandé de cette façon. Alors le comte et moi, nous prîmes la liberté de lui dire qu'elle n'avait qu'un fils qui pût avoir de telles attentions pour elle. A présent, mon très-cher frère, il me faudrait une éloquence bien rapide pour vous exprimer la joie que la Reine a eue; la mienne ne saurait suffire, puisqu'elle me fait souvent faux bond. J'ai eu l'honneur, ce matin, de lui remettre la lettre accompagnée du présent pour son jour de naissance. Il n'y a qu'elle au monde qui puisse trouver des expressions assez vives pour vous montrer sa tendresse, et comme vous connaissez ces sentiments qu'elle a pour vous, vous pouvez être persuadé que cela lui a fait un sensible plaisir. Je m'aperçois que j'abuse de vos bontés envers moi; ainsi je vous supplie, mon très-cher frère, d'être assuré qu'il n'y a personne qui vous soit plus dévoué et plus sincèrement attaché que je le suis, etc.