<XIX>raire,a a écrit son célèbre ouvrage de souvenir, en s'aidant du journal de sa vie, de ses correspondances et des récits d'autres personnes. Comme nous renvoyons, sous le texte des lettres, aux passages des Mémoires qui se rapportent à des objets traités dans les écrits des deux genres, le lecteur pourra facilement juger du degré de croyance qu'il peut accorder aux assertions de la princesse. Nous devons à la vérité de déclarer dès à présent que cette croyance ne peut être entière, et nous le prouverons. Mais nous pensons en même temps que les inexactitudes dont la Margrave s'est rendue coupable paraîtront excusables, si l'on songe à l'irritabilité de son caractère,b aigri par les peines de tout genre qu'elle avait éprouvées dans la maison paternelle, à sa santé toujours délicate, à ses chagrins domestiques du mois de septembre 1739,c enfin, à sa brouillerie de deux ans avec son frère.d La princesse semble appuyer elle-même notre opinion par l'important passagee où elle exprime sa crainte que son mari ne soit obligé de faire la campagne de 1734 avec le Roi son père. « C'était là, dit-elle, le sujet de mes inquiétudes. J'étais si accoutumée à en avoir, que je m'alarmais de tout. J'étais plongée dans une noire mélancolie. Tous les chagrins que j'avais eus à Berlinf m'avaient si fort abattu l'esprit, que j'eus bien de la peine à reprendre mon humeur enjouée. Ma santé était toujours la même, et tout le monde me croyait étique. Je m'attendais bien moi-même à ne pas réchapper de cette maladie, et j'attendais la mort avec fermeté. La seule récréation que j'eusse était l'étude. Je m'occupais tout le jour à lire et à écrire. »

En effet, l'humeur naturellement gaie de la Margrave était continuellement assombrie par des agitations morales auxquelles elle cher-


a Mémoires, t. I, p. 153, 154 et 285; t. II, p. 258.

b Voyez ci-dessous, p. 78 et 81.

c Mémoires, t. II, p. 288 et suivantes, 303, 304, 307-309, 310-312, 314, 315, 325 et 326.

d Voyez ci-dessous, p. 142-64, nos 143-171.

e Mémoires, t. II, p. 139.

f En 1732 et 1733. Voyez les Mémoires, t. II, p. 76-136. Dans la traduction allemande de cet ouvrage, Tubingue, 1810, (t. I) p. 199, la Margrave dit que, depuis qu'elle avait été retenue prisonnière à Berlin, en 1730, sa santé était si altérée, qu'elle ne s'était jamais rétablie. Elle ne parle pas de cela dans l'édition originale de Brunswic.