<XXIII>elle, n'y sont jamais mentionnées. A peine en dit-elle un mot à de rares intervalles, et c'est toujours en parlant de choses indifférentes,g excepté lorsqu'elle déclare vouloir lui donner ses Mémoires.h Mais ce présent ne peut guère passer pour un témoignage d'affection, vu le scandale que l'ouvrage devait causer, et le jour désavantageux qu'il répand sur les familles de Prusse et de Baireuth, ainsi que sur l'auteur même. Les Mémoires de la Margrave ont donc un caractère satirique bien prononcé, et l'on n'y trouve pas le sentiment et la modération qu'on serait en droit d'attendre d'une femme de son rang.
Il faut attribuer un grand nombre des traits mordants des Mémoires au tour d'esprit naturellement caustique de la princesse, et à l'habitude qu'elle avait prise dès sa jeunesse de ne pas épargner le prochain, comme elle l'avoue elle-même.a Elle n'en professe pas moins l'attachement le plus vif pour les personnes qu'elle déchire,b et affecte volontiers l'impartialité de l'historien. Ainsi elle prie ses lecteurs futursc de suspendre leur jugement sur le caractère de Frédéric, qu'elle avait amèrement critiqué, jusqu'à ce qu'elle l'ait développé; elle dit expressément, t. II, p. 307 : « Je me pique d'être véridique. » Il ne faut pourtant pas se fier à ces apparences. Au fond, la Margrave vise à satisfaire son amour-propre et à amuser le lecteur,d soit par des tableaux comiques, des portraits chargés et des anecdotes singulières, soit par le récit des intrigues et des cabales des princes, des courtisans et même des domestiques. Elle ne recule pas devant les histoires scabreuses, comme celles de la cour de Dresde et de l'amour du roi Frédéric-Guillaume Ier pour mademoiselle de Pannwitz;e elle critique ou tourne en ridicule ses sœurs Frédériquef
g Voyez les Mémoires, t. II, p. 72, 76, 80, 187, 322; voyez aussi, dans la traduction allemande des Mémoires (t. I) p. 354 et 355. un alinéa omis dans l'édition de Brunswic.
h Mémoires, t. II, p. 258.
a Voyez les Mémoires, t. I, p. 153, 154, 105, 231 et 232. Voyez aussi l'ouvrage de Büsching, Character Friedrichs des Zweiten, p. 273.
b Mémoires, t. I, p. 89 et 90; t. II, p. 135, 136, 202, 203, 299 et 300. Voyez aussi la correspondance, par exemple ci-dessous, p. 92 et 93.
c Mémoires, t. II, p. 301.
d L. c, t. I, p. 15 et suivantes, 143 et suivantes; t. II, p. 144 et 145.
e L. c., t. I, p. 102 et suivantes, 350 et 351.
f L. c., t. 1, p. 97; t. II, p. 71, 72 et 298. S