<272>de Marsin est de n'être pas sortis des retranchements de Turin pour marcher sur le prince Eugène, qui s'approchait à grands pas de Turin, et que la France perdit l'Italie, l'année 1704, uniquement parce que les Français restèrent renfermés dans leurs retranchements, et ne s'opposèrent point aux progrès du prince Eugène. Voilà des exemples suffisants pour justifier la conduite d'un général moderne, qui doit suivre les grands modèles, et auquel la mémoire doit tenir lieu d'expérience; mais je ne m'en tiens pas là, et je dois ajouter des raisons particulières qui m'ont déterminé au parti que j'ai pris.
Presque toute l'Europe s'était liguée contre la Prusse; je ne devais point attendre que toutes ces forces unies vinssent fondre sur moi. Le duc de Cumberland avait besoin de secours; les cercles de l'Empire assemblaient des troupes; trente mille Prussiens qui, au mois de juillet, seraient marchés dans l'Empire auraient dissipé tous les fantômes des cercles, et auraient peut-être encore rechassé les Français de la Westphalie. La raison de politique voulait donc qu'on se débarrassât de l'ennemi le plus proche, pour que l'on pût détacher contre les autres. Plus d'une raison de guerre voulait la même chose. Premièrement, l'armée prussienne campée à l'entour de Prague, surtout celle de Michele, avait de la peine à trouver des fourrages, et il fallait lui assurer un terrain de trois milles pour qu'elle trouvât de quoi subsister; en second lieu, il fallait la couvrir du côté d'Aurzinowes et de la Sasawa, par où l'ennemi aurait pu envoyer de gros détachements, pour empêcher que les Autrichiens, attaquant les troupes de la bloquade à dos, ne facilitassent à ceux de la ville le moyen de percer, de culbuter un quartier, et de s'échapper ainsi. Or, je ne pouvais point trouver de poste pour l'armée d'observation qui remplît tous ces objets; M. de Daun avait plus de quinze mille hommes de troupes légères; dès que le poste de Kuttenberg se trouvait abandonné, l'armée prussienne à Kaurzim ne pouvait couvrir en même temps son magasin de Nimbourg, qui pouvait être pris l'épée à la main, et la Sasawa; Nimbourg se trouvait à deux milles de notre gauche, et la Sasawa à trois milles à notre droite; l'ennemi pouvait passer cette rivière où bon lui semblait; les collines, les bois et les défilés qui sont aux