<282>je faisais une alliance avec le roi d'Angleterre, je ne paraissais avoir à craindre que la reine de Hongrie. Le parti du traité de neutralité me parut donc le plus sûr, et je le choisis préférablement à d'autres, parce que je le crus seul capable de maintenir la paix en Allemagne. L'hiver de l'année 55, le duc de Nivernois vint à Berlin avec des propositions d'un nouveau traité, et pour me faire condescendre à la diversion du pays de Hanovre, il me proposa la possession de l'île de Tabago. Je lui répondis franchement que je ne voulais point aller sur les brisées du comte de Saxe, auquel cette île avait été une fois donnée, et que je ne ferais point la guerre en marchand. Je lui montrai ensuite le traité que j'avais fait avec le roi d'Angleterre, et je lui dis que je n'avais eu d'autre raison de le faire qu'un sincère désir de conserver l'Allemagne tranquille. Les Français furent extrêmement piqués de ce traité, quoiqu'ils n'eussent aucune raison de l'être; ils s'étaient mis dans l'esprit que je serais le Don Quichotte de toutes leurs querelles, et qu'ils me feraient faire la guerre ou la paix comme ils le jugeraient à propos. Pour moi, j'ai cru, et je le crois encore, qu'un prince souverain a le droit de contracter des alliances avec qui il lui plaît, et que ce n'est qu'aux puissances tributaires ou mercenaires à suivre les ordres de leurs maîtres ou de ceux qui les payent. Mon intention était de maintenir la tranquillité de l'Allemagne, et j'avais espérance d'y réussir jusqu'au printemps de l'année 1756, que j'appris qu'un gros corps de Russes s'assemblait en Courlande. Cela me parut d'autant plus extraordinaire, que j'étais bien sûr, par les liaisons que j'avais avec les Anglais, que cela ne pouvait pas venir d'eux. J'entrai sur cela en quelques explications avec le ministère de Londres, et dès que je m'aperçus que les mouvements n'étaient pas concertés avec le roi d'Angleterre, cette manœuvre me donna de grands soupçons sur la conduite des Russes. J'appris au mois de juin, comme j'étais à Magdebourg, que cette armée se renforçait, et toutes les circonstances, jointes à des correspondances qui sont imprimées, me portèrent à présumer que la Prusse avait à craindre une invasion de ce côté; sur quoi je fis marcher quelques régiments en Poméranie pour être à portée de se joindre aux troupes de Prusse. Ce mouvement, qui ne pouvait donner aucune jalousie à la reine