<284>échappe à leur calcul. Nous avons des principes pour diriger notre jugement, et ceux-là consistent dans l'intérêt des princes et dans ce qu'exigent d'eux les alliances dans lesquelles ils se trouvent; encore ce dernier point est-il sujet à question. Or, par les traités, la France n'était obligée d'assister la reine de Hongrie que par un secours de vingt-quatre mille hommes. La France n'avait aucun traité avec le roi de Pologne, aucune liaison ne l'obligeait à le secourir. Louis XIV fit la guerre au duc de Savoie, beau-père du duc de Bourgogne. Jamais les liens du sang n'ont influé dans la politique des rois; comment prévoir que les larmes de la Dauphine, les calomnies de la reine de Pologne et les mensonges de la cour de Vienne induiraient la France dans une guerre diamétralement opposée à ses intérêts politiques? Depuis un temps immémorial, la France a été en guerre avec l'Autriche, leurs intérêts sont diamétralement opposés; la politique de la France a été de tout temps d'avoir un allié puissant dans le Nord, dont les diversions lui puissent être utiles. La Suède, qui la servait autrefois, a perdu son pouvoir et son influence dans les affaires du continent. Il ne lui restait donc que la Prusse.a Qui pouvait imaginer qu'un renversement d'esprit inexplicable et l'intrigue de quelques caillettes lui fît abandonner ses intérêts et le seul système qui lui est convenable? Pourquoi payer des subsides en Russie? pourquoi armer la Suède? pourquoi exciter l'Empire contre la Prusse, si ce n'est pour détruire cette puissance? Cette conduite serait-elle en haine du traité de neutralité conclu à Londres? Cette vengeance me paraîtrait bien outrée. Serait-ce en faveur de quelques cessions que la reine de Hongrie aurait faites à la France en Flandre? Ce leurre me paraîtrait bien grossier, et je ne sais si pour les suites la France ne doit pas prévoir que, malgré toutes ces belles apparences, l'accroissement de la maison d'Autriche, pour lequel elle travaille à présent si chaudement, tournera avec le temps à son plus grand désavan-


a A l'occasion du traité conclu avec la France en 1744, Frédéric dit à M. Dumesnil, brigadier des armées du roi de France, qui lui avait été envoyé par le maréchal de Noailles : « Je suis bien aise de remplacer les Suédois, qui étaient autrefois les alliés favoris de la France; à présent, c'est un corps sans âme; pour moi, j'en ai une, et l'on en sera content. » Voyez Flassan, Diplomatie française, seconde édition, Paris, 1811, t. V, p. 228.